Analyse: lente convalescence

La convalescence post-pandémie s’annonce lente, sinon longue. Au-delà des victimes sur le plan de la santé, la COVID-19 a aussi été particulièrement douloureuse pour l’emploi.
La Réserve fédérale américaine (Fed) a publié mercredi ses premières prévisions économiques depuis le début de la pandémie. Si la reprise est en cours, la récupération des pertes subies se veut lointaine, très lointaine. Résumé simplement, le taux cible autour de zéro est appelé à perdurer jusqu’en 2022.
« Les faiblesses anticipées de l’économie, du marché du travail et de l’inflation font que les taux directeurs devraient demeurer longtemps au niveau actuel. » Au comité monétaire de la Fed, « l’ensemble des 17 participants voient les taux directeurs demeurer entre 0 et 0,25 % d’ici la fin de 2021. Seulement deux participants anticipent une hausse de taux en 2022, les 15 autres prévoyant une autre année de statu quo », résume Francis Généreux, économiste principal au Mouvement Desjardins.
La Fed prévoit une baisse du PIB américain de 6,5 % en 2020, suivie d’un rebond de 5 % l’an prochain auquel s’ajoutera une poussée de 3,5 % en 2022. Une récupération de deux ans d’autant plus longue que l’économie américaine a plongé de 4,8 % en rythme annuel au premier trimestre et qu’elle pourrait dégringoler de 20 à 30 % au deuxième, et ce, malgré l’aide massive en deux volets autorisée par le Congrès équivalant à environ 12 % du PIB, est-il estimé.
Une aide qui se transformera en un déficit budgétaire abyssal. La donnée publiée mercredi fait ressortir une embellie d’un mois, avec un déficit à 399 milliards en mai, en forte baisse par rapport à avril plombé par le programme d’aide en deux volets. Mais cela représente le double du déficit de mai 2019. Et la barre des 3100 milliards pour l’exercice 2020 devrait être franchie, prévoit Oxford Economics. Il s’élève déjà à près de 1900 milliards depuis le début de l’exercice, contre 739 milliards au cours de la période correspondante de 2019.
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L’aide directe
Cette prévision ne prend pas en compte un éventuel troisième volet au plan d’aide directe aux particuliers et aux entreprises, qui pourrait être adopté plus tard et comptabilisé dans les résultats de l’exercice 2021, ajoute la firme de recherche économique.
Car les dirigeants de la banque centrale n’ont pas été sans mettre l’accent sur l’emploi. Malgré les signaux favorables envoyés par la statistique de mai sur le chômage, plus de 20 millions d’Américains restent sans travail depuis février, alors que l’économie fonctionnait en définitive au plein-emploi, préviennent-ils. La Fed le voit s’établir à 9,3 % pour l’ensemble de 2020, pour descendre à 6,5 % en 2021 et à 5,5 % en 2022. Il était de 3,5 % avant la pandémie.
Pour nombre de travailleurs touchés, la perte d’emploi causée par le coronavirus n’est pas que temporaire. Ce qui représente autant d’incertitude pour tous les secteurs, mais davantage pour ceux, cycliques, dépendant du revenu discrétionnaire des consommateurs et des ménages. Ces derniers sont peu syndiqués ou la présence des PME est dominante, abritant son lot de travailleurs vulnérables ou à temps partiel. Des secteurs pouvant difficilement cohabiter avec la distanciation, voire avec le télétravail. Oxford Economics donne l’exemple des industries de la construction, de l’agriculture, du transport, du commerce de détail et de l’hébergement-restauration, où moins de 20 % des travailleurs peuvent s’en remettre au télétravail.
Les dommages économiques de la pandémie ont été ressentis sur l’ensemble du spectre de la demande, a mesuré l’agence d’évaluation Morningstar DBRS, avec une chute de 6,8 % de la consommation privée aux États-Unis au premier trimestre, soit la plus forte contraction en une quarantaine d’années. Pour sa part, l’investissement des entreprises a chuté de 7,9 %, principalement dans les achats d’équipement. Ce fut pire au Canada, les grèves et le choc pétrolier s’ajoutant à la crise sanitaire, avec une consommation privée chutant de 9 %, mais des investissements des entreprises ne reculant que de 1,4 %.