Ne pas regarder à la dépense

L’impact de la pandémie secoue tous les échelons et tous les secteurs jugés non essentiels de l’économie. Il est toutefois plus ressenti encore chez les plus faibles revenus et les travailleurs vulnérables. On peut comprendre ces banques centrales qui exhortent les gouvernements à ne pas lésiner sur l’aide fiscale directe.
Une étude publiée mercredi par Paiements Canada sur les effets de la crise sanitaire indique que 75 % des Canadiens affirment dépenser moins qu’avant la crise. Pas étonnant dans un contexte de télétravail, si ce n’est que le sondage réalisé par la firme Léger auprès de 1504 Canadiens adultes entre les 17 et 19 avril précise que 44 % des répondants ont déploré une baisse de leur revenu et que 51 % ont déclaré que la pandémie avait un effet négatif sur leur épargne-retraite et leurs autres investissements. De plus, 26 % ont dit éprouver de la difficulté à régler leurs factures avant l’échéance.
Toujours mercredi, et malgré l’explosion du déficit budgétaire américain qui se dirige vers un triplement cette année, le patron de la Réserve fédérale appelait les élus à en faire plus, quel que soit le coût, pour éviter une longue récession dont les contrecoups seraient davantage ressentis dans le segment de la population plus vulnérable. « Un soutien budgétaire supplémentaire pourrait être coûteux, mais il en vaut la peine s’il permet d’éviter des dommages économiques à long terme et nous permet d’avoir une reprise plus forte », a soutenu Jerome Powell.
Le président de la Fed a rappelé que les 20 millions d’emplois perdus en moins de deux mois dans cette pandémie effacent les gains en matière d’emplois accumulés lors de la dernière décennie. Il a ajouté que ce sont les ménages à plus faible revenu qui souffrent le plus : parmi les personnes qui avaient un emploi en février, « près de 40 % de ceux des ménages gagnant moins de 40 000 $ par an ont perdu leur emploi en mars ».
Tout en reconnaissant que la double intervention actuelle monétaire et fiscale est la bonne, il a martelé que « les élus ne devaient pas regarder en ce moment à la dépense », lit-on dans le texte de l’Agence France-Presse.
Le Canada n’y échappe pas. Les emplois les plus touchés par la crise sanitaire viennent des secteurs de l’hébergement et de la restauration, du commerce de gros et de détail, de la culture et des loisirs. Selon les données de Statistique Canada d’avril, quelque trois millions d’emplois ont été perdus en deux mois. S’ajoutent à l’équation 1,1 million de personnes aptes au travail mais ayant cessé d’en chercher un en avril.
Les données d’avril de l’agence fédérale indiquent que plus du tiers de la population active ne travaille pas ou a subi une réduction de ses heures de travail. Les plus touchés ont été les travailleurs vulnérables ayant un emploi partiel ou temporaire. Par taille, les petites entreprises avaient mis à pied 31 % de leurs travailleurs, les moyennes, 25 % et les grandes, 13 % de leurs employés, pouvait-on lire dans Le Devoir.
Quant à l’effort de guerre déployé, Oxford Economics chiffrait mercredi l’aide fiscale actuelle d’Ottawa à 326 milliards, soit 155 milliards sous forme d’aide directe, 85 milliards en impôt différé et 86 milliards en prêts et crédits d’urgence. Côté monétaire, la Banque du Canada a doublé son bilan dans un exercice d’assouplissement quantitatif, comprenant l’achat de 200 milliards de dollars de titres entre la mi-mars et la mi-avril. Dans ses interventions, elle s’en remet également beaucoup aux bons du Trésor, qualifiés d’amortisseurs de crise et de tensions. Les analystes de la Banque Nationale ont calculé que l’accroissement de l’offre a fait passer le « stock » de bons du Trésor canadien de 127 milliards de dollars à la fin de février à un peu moins de 300 milliards la semaine dernière.
Ce qui n’est pas sans rappeler la contribution des banques centrales dans le financement des énormes déficits créés dans les années 1940 pour soutenir l’effort de guerre, ont-ils illustré.