Air Canada mettra du temps à se relever de la pandémie

Secouée par le « carnage financier » de la COVID-19, Air Canada déploie un bouquet de mesures, dont la prise obligatoire de la température de chaque passager, dans l’espoir de rebâtir la confiance des voyageurs et atténuer les retombées « catastrophiques » de la pandémie.
La plus importante compagnie aérienne au pays en a fait l’annonce lundi, en dévoilant une perte nette de 1,05 milliard $ au premier trimestre terminé le 31 mars et en signalant qu’il lui faudrait probablement plus de trois ans avant de se relever de la crise actuelle.
Lors d’une conférence téléphonique avec les analystes, au cours de laquelle il n’a pas voulu faire le moindre commentaire sur la transaction qui permettrait à Air Canada de prendre le voyagiste québécois Transat A.T. sous son aile, son président et chef de la direction, Calin Rovinescu, a dit que « nous vivons la période la plus sombre de toute l’histoire de l’aviation commerciale ».
« Je vous dirais que tous les modèles classiques de planification sont passés à la trappe, a-t-il fait remarquer aux analystes financiers. Il ne fait aucun doute que nous ne sommes pas encore sortis de l’auberge. »
Depuis la mi-mars, Air Canada a sabré son nombre de vols de plus de 90 % et a cloué au sol plus de 200 avions. La société ne dessert plus que cinq aéroports internationaux, comparativement à plus de 150 avant la pandémie. Elle pige quotidiennement 22 millions $ dans ses liquidités et elle a vu ses revenus du premier trimestre plonger de 16 %, à 3,72 milliards $.
Avec son programme « SoinPropre+ », qui vise à offrir une « plus grande tranquillité d’esprit » aux voyageurs, Air Canada estime être le premier transporteur des Amériques à vérifier la température de ses passagers avant l’embarquement. Les autres mesures, qui seront déployées d’ici le 15 mai, prévoient également la distribution d’une trousse de soins personnels avec désinfectant.
En classe économique, on bloquera aussi la vente des places adjacentes et limitera le nombre total de places offertes à la vente pour chaque vol.
« Nous comprenons qu’une fois que les restrictions gouvernementales levées, un des principaux facteurs qui aura un impact sur la reprise de la demande sera la confiance qu’ont les voyageurs jusqu’à ce qu’un vaccin soit disponible », a lancé M. Rovinescu.
Aucun détail
Au moment où l’industrie traverse une période de turbulences, les analystes ont tenté, sans succès, d’avoir plus de détails quant aux intentions d’Air Canada à l’endroit de la transaction de 720 millions $ visant à acquérir Transat A.T — qui a été acceptée par les actionnaires du voyagiste, mais qui doit encore recevoir le feu vert des autorités réglementaires au Canada et en Europe.
« Jusqu’à ce que nous obtenions les approbations réglementaires, il n’y a vraiment aucune mise à jour que nous puissions fournir », s’est limité à dire M. Rovinescu.
Entre-temps, la confiance des investisseurs ne semble pas être au rendez-vous, puisqu’à la Bourse de Toronto, lundi, l’action de Transat A.T. a plongé d’environ 14 %, ou 1,38 $, pour clôturer à 8,50 $, soit bien en deçà des 18 $ offerts par Air Canada.
Selon Transat A.T., une clause de la convention d’arrangement concernant un « effet défavorable important » et une autre concernant les « épidémies » ne permettent pas à Air Canada de modifier ou de déchirer l’entente.
« Je pense qu’ils (Air Canada) subissent une tonne de pression de la part des actionnaires, mais leurs avocats ont essentiellement dit "si vous lisez le contrat, vous y êtes liés" , a souligné l’analyste Chris Murray, d’AltaCorp Capital, au cours d’un entretien téléphonique. L’avis juridique que j’ai est à l’effet qu’ils sont liés. »
Dans une note envoyée à ses clients, l’analyste Benoit Poirier, de Desjardins Marchés des capitaux, a expliqué que le cours actuel de l’action de Transat A.T. suggérait que les investisseurs semblaient anticiper une renégociation probable du prix d’achat.
Livia Belcea, l’attachée de presse du ministre fédéral des Transports, Marc Garneau, a indiqué, dans un courriel, que ce dernier avait reçu l’évaluation de la transaction de Transports Canada, sans toutefois dire quand Ottawa tranchera.
Sous les attentes
À la fin mars, Air Canada disposait de liquidités totalisant 6,5 milliards $ — soit 1,06 milliard $ de moins qu’à la fin décembre. La compagnie a également réalisé des économies de 1,05 milliard $, notamment en mettant à pied quelque 20 000 de ses 38 000 employés.
Avec l’écroulement de la demande, la compagnie a réduit sa capacité pour le deuxième trimestre d’entre 85 % et 90 % par rapport à la même période l’an dernier, tandis que la capacité du troisième trimestre devrait être comprimée d’environ 75 %. Air Canada accélérera également le retrait de 79 appareils plus anciens, dont des Embraer 190, des Boeing 767 et des Airbus 319, notamment afin de simplifier sa flotte et de réduire ses coûts.
En plaidant pour une aide d’urgence de la part du gouvernement fédéral, la semaine dernière, l’Association du transport aérien international (IATA) avait estimé que le nouveau coronavirus allait faire plonger de 43 % les revenus des compagnies aériennes canadiennes cette année.
Abstraction faite des éléments non récurrents, la perte ajustée d’Air Canada a été de 392 millions $, ou 1,49 $ par action, au premier trimestre, comparativement à un bénéfice ajusté de 17 millions $, ou 6 cents par action, il y a un an. Les analystes anticipaient une perte ajustée de 1,22 $ par action sur des revenus de 3,68 milliards $, selon les prévisions recueillies par la firme de données financières Refinitiv.
Sur le parquet torontois, l’action du transporteur aérien a clôturé à 17,63 $, en recul de 1,67 $, ou 8,65 %.