Analyse: reprise économique en V, en U ou en L

Le scénario économique dominant pour l’après-coronavirus demeure une reprise en V. Le président Donald Trump va même jusqu’à puiser dans le vocabulaire aérospatial pour qualifier un rebond à venir de l’économie américaine, qu’il souhaite imminent, appelant à une levée des restrictions à l’économie pour Pâques. Or une reprise en U semble vouloir se profiler, entre vœux et incantations.
Reprise en V, en U en L… La première forme s’apparente aux schémas observés lors des pandémies précédentes, le choc étant suivi d’un rebond rapide et d’une récupération des pertes de production généralement sur une douzaine de mois ou moins. À l’autre extrémité, le L est craint. Cette forme emprunte à un scénario du pire, le choc étant suivi d’une longue période de stagnation s’étirant sur de nombreuses années. Entre les deux se trouve le U, consistant en un choc couvrant un ou deux trimestres suivi d’un long rattrapage s’étalant sur plus d’une année.
Il est évident que nul ne peut prévoir le rythme de la reprise tant que le pic de la pandémie ne sera pas en vue. Pour l’heure, l’expérience de la Chine demeure le seul grand repère. Elle laisse entrevoir une forte contraction de l’activité économique débordant d’un trimestre, avec une compression sévère de la demande au cours des deux à quatre premiers mois sous le coup des mesures de confinement.
Mais le journaliste et économiste François Lenglet, cité par Libération, se demande si l’atteinte de cet assouplissement de la courbe d’expansion du coronavirus ne nécessitera pas plus de temps dans les pays dits développés en raison d’une approche restrictive moins extrême qu’en Chine.
Dans son analyse publiée mercredi, l’agence Moody’s parle d’un choc sans précédent sur les économies des pays membres du G20, couvrant le premier semestre et entraînant une contraction de leur PIB pour l’ensemble de 2020. La récession au sein des pays du G20 entraînera une chute moyenne de 0,5 % du PIB cette année, suivie d’une croissance de 3,2 % en 2021. Le long retour au niveau de février s’explique par une faible récupération de la demande des consommateurs au deuxième semestre et par une faiblesse des investissements dans le secteur privé. Ce qui n’empêche pas l’agence new-yorkaise d’ajouter que, compte tenu de l’actuelle incertitude, le risque d’une plus forte érosion demeure élevé.
Pertes d’emploi
Ainsi, l’allure d’une reprise en U se profilerait. Une forme qui sera fonction de la durée des mesures de restriction, mais également de l’effet multiplicateur de la perte de revenu des ménages et des entreprises. « La vitesse de récupération dépendra du statut temporaire ou permanent attaché aux pertes d’emplois et de revenus », souligne Moody’s.
Des pertes d’emploi pour la très grande majorité temporaires, mais dont le chiffre réel sera influencé par les changements de comportement plus durables induits par la pandémie. Un columnist du Washington Post évoquait la hausse de la productivité venant d’entreprises réalisant qu’elles peuvent produire plus avec moins. Ou encore la difficile reconstitution des pertes d’épargne et de profits.
Moody’s ajoute que, selon la nature des services, il est impossible de récupérer la totalité de la production perdue, que les effets de la pandémie retarderont les consommateurs à retrouver leur rythme de dépense d’avant la crise et que les inégalités persistent malgré l’aide fiscale et financière apportée. Sans oublier l’impact plus durable du transfert des dépenses dans le commerce en ligne et le phénomène observé de substitution dans le commerce de détail.
Quant à la forme en L, dans le scénario de Moody’s, le gros du choc sur les économies dites développées est attendu au deuxième trimestre. Mais tout reste tributaire de l’évolution de la pandémie. Saluant les interventions massives des banques centrales, Moody’s estime qu’« il leur importe de contenir le choc sur un ou deux trimestres afin d’éviter qu’il ne déborde vers les banques commerciales pour s’étendre et se transformer ensuite en crise financière », écrit-elle.
S’ajoute à ce risque le difficile arbitrage entre les impératifs de santé publique et l’économie. « À un certain point, le choc économique va croître de façon exponentielle et entraîner une crise financière », résume l’analyste cité par Libération.