Analyse: le budget Girard passe le test économique

Les paramètres économiques du budget Girard sont crédibles et les cibles, atteignables, malgré l’inconnu que génère le coronavirus. À moins d’un choc d’une ampleur sortant du prévisible, Québec repose sur la solidité de son économie et son dernier budget dispose de la marge de manoeuvre lui permettant de naviguer en eaux (pas trop) troubles. Son choix d’aborder la rareté de main-d’oeuvre sous l’angle des gains de productivité et de la hausse du taux d’activité relève toutefois du pari.
Dans son analyse du dernier budget du ministre des Finances, Eric Girard, Moody’s accorde un satisfecit au gouvernement du Québec. L’agence new-yorkaise s’en remet à une tendance historique de Québec à dépasser ses cibles budgétaires pour conclure que la prévision du maintien de l’équilibre sur l’horizon de cinq ans menant à 2024-2025 est crédible malgré la détérioration des conditions économiques mondiales.
Québec prévoit que la progression du PIB réel passera de 2,8 % en 2019 à 2 % cette année, affichant ainsi une croissance supérieure à celle de l’économie canadienne pour une quatrième fois au cours des cinq dernières années. Pour ensuite tomber légèrement sous la moyenne canadienne et se rapprocher de son potentiel de 1,5 % en 2021. Certes, la cible de 2020 ne tient pas compte de l’impact du coronavirus et de la récession mondiale présentement esquissée, mais la solidité de son économie et de son marché du travail devrait lui permettre d’absorber le choc sans trop de conséquences sur les revenus anticipés, croit Moody’s. D’autant que Québec en ajoute dans son plan de dépenses en infrastructures 2020-2030, avec 11 milliards prévus au cours de l’exercice 2020-2021. De quoi atténuer les effets du choc pressenti.
Il est aussi remarqué une hausse des dépenses passant de 6 % en 2019-2020 à 5,1 % l’année suivante, pour ensuite rejoindre une trajectoire se rapprochant de la progression des revenus, chiffrée à 2,75 % en moyenne sur la période 2021-2022 2024-2025. La projection de Québec à ce chapitre se situe à 2,8 % au cours de l’exercice débutant en avril et à 1,5 % durant l’exercice suivant, ce qui se compare à une progression de 4,1 % du PIB nominal prévue cette année, de 3,4 % en 2021. Une marge de manoeuvre existe.
Surtout, la trajectoire d’endettement de Québec n’inquiète pas. Avec 40 % du programme d’emprunt entre 2020-2021 et 2024-205 constituant de la nouvelle dette, la croissance projetée des revenus, si elle se concrétise, va maintenir le poids de la dette sur sa trajectoire descendante. Même l’augmentation de 5,4 % du service de la dette retenue dans l’exercice budgétaire est qualifiée de conservatrice à la lumière de la chute des taux d’intérêt et de la facture plus faible que prévu au cours de l’exercice 2019-2020.
Il reste que cette belle mosaïque budgétaire n’atténue en rien le contexte de rareté de main-d’oeuvre qui menace la croissance économique du Québec. Dans ce budget, on s’en tient aux gains de productivité et à l’augmentation du taux d’activité réalisés ces dernières années, reflétant davantage une situation de pénurie de main-d’oeuvre et cachant une sous-performance des investissements dans les capacités de production. Hendrix Vachon, économiste principal au Mouvement Desjardins, évoquait la semaine dernière un scénario de base, dit réaliste, soutenant que les changements démographiques demeurent un défi de taille pour l’économie québécoise. « La tendance des gains d’efficacité a déjà dépassé 1,5 % — plus du double de la variation annuelle projetée pour la période 2020-2029 —, mais cela n’a duré que quelques années », rappelait-il.