Les marchés prennent la mesure de la propagation

Des pays comme l’Italie et la Corée du Sud aux prises avec une explosion de cas d’infection. L’Organisation mondiale de la santé qui prononce le mot « pandémie », en prévenant toutefois qu’on n’y est pas encore. Et des marchés boursiers qui, tout à coup, semblent prendre toute la mesure des conséquences potentielles.
De l’Asie à l’Europe, en passant par Wall Street et Toronto, les grands indices boursiers ont affiché lundi des baisses allant de 1,5 % à plus de 4 %, les investisseurs semblant craindre les effets négatifs du virus sur une économie mondiale qui battait de l’aile même avant son apparition.
« Je pense que toutes les prévisions soumises dans le cadre des consultations prébudgétaires, que ce soit au fédéral ou au provincial, sont probablement en train d’être révisées », a laissé tomber Stéfane Marion, économiste et stratège en chef de la Banque Nationale. Pour l’économie mondiale, selon lui, « il y a plus de probabilités de révision à la baisse qu’à la hausse pour la croissance en 2020, malheureusement, et je pense que c’est ce que les marchés vous disent aujourd’hui ».
À la Bourse de Toronto, l’indice principal a perdu 1,6 % à 17562,74 points, comparativement à des reculs de 3,3 % pour le S & P 500, de 3,6 pour le Dow Jones et de 3,9 % pour le Nasdaq. En Europe, les baisses étaient de 3 ou 4 %, du même ordre qu’en Corée du Sud. Globalement, les indices nord-américains demeurent en forte hausse par rapport à leur niveau d’il y a un an.
Le vent de panique qui a soufflé sur les marchés s’est immédiatement reflété dans l’indice VIX, qui mesure la volatilité des marchés et que certains surnomment l’« indice de la peur ». Celui-ci a bondi de 47 % à 25,03 mardi, son plus haut point depuis l’été 2015, quand les déboires boursiers en Chine faisaient trembler les autres marchés du monde.
Nombreux sont ceux qui soulignent que la Chine, où est apparu le virus, occupe une place beaucoup plus importante dans l’économie mondiale que lors du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), en 2002-2003. Le pays comptait pour environ 4 % du produit intérieur brut mondial au début des années 2000. Aujourd’hui, elle en représente 17 %. Stéfane Marion, de la Financière Banque Nationale, rappelle aussi que la Chine représentait alors le tiers de la puissance manufacturière américaine. Aujourd’hui, elle est deux fois plus grande.
Le SRAS, d’une durée d’un peu plus de six mois, avait notamment eu des répercussions directes sur certains secteurs, dont le transport aérien et le tourisme.
« Si, pour les gens touchés, l’impact humain est extrêmement important, d’un point de vue économique, l’histoire nous enseigne que, dans les épisodes de ce genre, l’impact est somme toute mesuré », a dit Jean-René Ouellet, gestionnaire de portefeuille chez Desjardins Gestion de patrimoine. « Les craintes sont grandes, mais souvent, l’impact économique est nettement moindre. Ce n’est pas surprenant que, dans un tel contexte, on voie plusieurs spécialistes des marchés lancer un appel au calme. » Les conséquences sur l’économie mondiale pourraient quand même être plus importantes que lors des incidents du passé, a-t-il précisé, car la Chine occupe un rôle plus important qu’auparavant.
« L’épidémie du nouveau coronavirus issu de la Chine aura des effets négatifs pour l’économie à court terme », a indiqué la semaine dernière le Mouvement Desjardins dans une note aux clients. « Les scénarios ont été ajustés en fonction d’effets minimaux probables, mais l’incertitude est élevée, et tout dépend de l’évolution future de la maladie et de sa propagation. C’est en Chine que les conséquences seront les plus importantes, et la croissance du PIB réel prévue pour 2020 est passée de 5,9 % à 5,5 %. »