Des agriculteurs et des entreprises inquiets

Les fournisseurs pourraient devoir «limiter la livraison» si le blocage des voies de chemin de fer, comme ici à Edmonton, perdure.
Photo: Jason Franson La Presse canadienne Les fournisseurs pourraient devoir «limiter la livraison» si le blocage des voies de chemin de fer, comme ici à Edmonton, perdure.

« S’il fallait manquer de propane… Nos animaux vont mourir ! » Au bout du fil, Lise Tremblay, copropriétaire de la ferme Fatran à Saint-Liboire, se dit « très inquiète ». Ses 29 000 poules reproductrices, ses 10 000 poulets de chair (poulets à griller) et ses 4000 dindons sont abrités dans des bâtiments chauffés au propane, dont la livraison est menacée par la crise ferroviaire.

La productrice agricole a reçu mardi une lettre de son distributeur de propane l’avisant qu’il était en mesure de répondre à la demande pour un « certain temps encore ». L’entreprise pourrait toutefois devoir « limiter la livraison » si le blocage perdure. « Le propane est notre seule source d’alimentation en chauffage », dit Lise Tremblay, qui se « serait bien passée » de cette crise, après la grève du CN l’automne dernier.

Vendredi, une journée cruciale

 

Un peu partout au Canada, la tension monte chez les producteurs agricoles et les entreprises qui reçoivent des matières premières ou de l’équipement par train. « Certains grands industriels nous ont dit que le point de bascule, ce sera vendredi », dit Véronique Proulx, présidente-directrice générale de Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ). « Ils devront ensuite faire des mises à pied temporaires. » C’est ce qu’ont fait le CN (450 employés) et Via Rail (1000 employés) cette semaine. « Aujourd’hui [jeudi], un manufacturier de meubles québécois nous a dit qu’il avait dû faire des mises à pied », ajoute François Vincent, vice-président de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, Québec.

Chez Demers Ambulances, les gyrophares sont au rouge. Depuis le début de la crise, il y a un peu plus de deux semaines, le fabricant d’ambulances ne reçoit plus les pièces nécessaires à l’assemblage des véhicules (moteur, système de chauffage, châssis, etc.). « Le 1er avril, si la crise n’est pas réglée, on ferme nos portes, dit Benoit Lafortune, vice-président exécutif. On n’aura plus de stock. » L’entreprise possède deux usines au Canada (une à Beloeil et l’autre à Saskatoon, en Saskatchewan), qui emploient 500 personnes. Pour le moment, Demers Ambulances parvient à maintenir la cadence en remaniant ses horaires de production « en fonction des inventaires », explique Benoit Lafortune. « Ça occasionne beaucoup de coûts. »

Demers Ambulances fait partie de la vingtaine d’entreprises qui ont cosigné mardi une lettre de MEQ exhortant le gouvernement fédéral à rétablir le transport ferroviaire. « Les manufacturiers ne sentent pas avoir l’écoute du gouvernement fédéral, souligne Véronique Proulx. Le gouvernement fédéral semble écouter les manifestants, ce qui est bien. Mais ça prend un équilibre. »

Le président d’Adfast Corp., un fabricant de scellants et d’adhésifs situé dans l’arrondissement de Saint-Laurent, a aussi cosigné la lettre de MEQ. « On s’en sort parce qu’on a trouvé des produits [chimiques] substituts », dit Yves Dandurand. Malgré la crise, le dirigeant prend son mal en patience. « Je ne veux pas juste avoir une vision étroite d’homme d’affaires, dit Yves Dandurand. On veut aussi faire attention à nos minorités, et si des fois il faut souffrir un peu pour qu’une opinion qui souvent n’est pas écoutée le soit, ben écoute, ça sera ce que ça sera. Je ne vis pas juste pour la business. »

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