Pas question d'une loi spéciale pour le moment, selon Ottawa

Les négociations entre le syndicat des Teamsters et le CN se poursuivaient jeudi.
Photo: Andrew Vaughan La Presse canadienne Les négociations entre le syndicat des Teamsters et le CN se poursuivaient jeudi.

Le tout nouveau Cabinet de Justin Trudeau s’est prononcé jeudi après-midi sur la grève au Canadien National (CN), après que François Legault eut appelé à une intervention d’Ottawa parce qu’il craint une pénurie de propane au Québec : pour l’instant, il n’est pas question d’une loi spéciale.

« On est convaincus que la meilleure façon et la façon la plus rapide de résoudre ce problème, c’est que les deux côtés continuent de négocier ensemble, et nous sommes prêts à les aider », a déclaré le ministre des Transports du Canada, Marc Garneau, en mêlée de presse.

En avant-midi, le premier ministre du Québec, François Legault, avait dit craindre que la province manque de propane d’ici quelques jours en raison de la grève de quelque 3200 chefs, agents de train et agents de triage du CN, déclenchée dans la nuit de lundi à mardi. Son gouvernement a déjà amorcé le rationnement de la ressource, en priorisant les hôpitaux et les centres pour personnes âgées, par exemple.

« On utilise à peu près 6 millions de litres par jour de propane ; on a des réserves d’à peu près 12 millions [de litres] », a expliqué M. Legault. Avec le rationnement, les réserves actuelles devraient suffire pour environ quatre jours, selon lui.

« Idéalement, on souhaiterait un règlement entre le syndicat et le CN, mais on ne peut pas exclure d’avoir besoin d’un projet de loi spéciale à Ottawa », a-t-il avancé.

Dans la capitale fédérale, les ministres interrogés ont refusé de répondre directement à cette demande. Ailleurs au pays, le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, a aussi signifié jeudi qu’il souhaitait qu’Ottawa considère des mesures coercitives pour mettre fin à la grève. L’Alberta avait déjà lancé un appel à une loi spéciale mardi.

« On prend ça vraiment au sérieux, on suit le dossier avec les deux parties, on pousse autant que c’est possible de le faire pour qu’elles arrivent à une entente négociée, a déclaré Marie-Claude Bibeau, la ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire. Il y a d’autres options qui pourront être sur la table, mais pour le moment, notre priorité, c’est l’entente négociée. »

Le chef conservateur, Andrew Scheer, a gazouillé en soirée qu’il avait pressé le premier ministre « de convoquer le gouvernement le plus vite possible pour faire adopter une loi de retour au travail ». Selon le plan actuel, la Chambre des communes se réunit le 5 décembre.

« Vous avez parlé de la loi spéciale, mais on n’en est pas là », a ajouté la ministre Bibeau en s’adressant à des journalistes.

Pas de panique dans les hôpitaux

 

Ces derniers jours, plusieurs industries se sont dites touchées par la réduction des activités du CN.

Jeudi, la branche montérégienne de l’Union des producteurs agricoles (UPA) a annoncé qu’elle tiendrait une manifestation vendredi à Châteauguay afin de demander au gouvernement « d’agir rapidement » concernant la grève au CN. Sans propane, les producteurs ne peuvent pas faire sécher leurs récoltes de grains. « Des pertes catastrophiques » doivent être envisagées sans le déploiement rapide d’une solution.

Environ 85 % du propane consommé au Québec arrive dans la province par la voie des rails en provenance d’Edmonton ou de Sarnia, en Ontario. Des camions s’approvisionnent habituellement à Sarnia pour alimenter le marché local, mais d’autres véhicules y convergent actuellement pour répondre à la demande dans l’est du pays. On y constate des files d’attente de six à sept heures, soulève Nathalie St-Pierre, la p.-d.g. de l’Association canadienne du propane.

Québec envisage d’envoyer des camions à Sarnia, mais cette mesure ne sera pas déclenchée dans l’immédiat. « Il faut des camions particuliers, et il n’y en a pas tant que ça sur le territoire », explique Claude Potvin, attachée de presse du ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles du Québec.

Dans le réseau de la santé, les conséquences de la pénurie annoncée semblent être limitées. À Montréal, le CHUM et le CUSM ont indiqué qu’ils n’utilisaient pas de propane. Le CISSS de Laval n’utilise pas non plus de propane, mais plutôt du gaz naturel.

Au CIUSSS de l’Estrie–CHUS, on en est encore à faire le tour des installations pour vérifier l’ampleur des besoins en propane, mais les répercussions sont mineures. « C’est presque anodin, note la porte-parole Geneviève Lemay. Par exemple, dans la buanderie d’un centre jeunesse, la sécheuse fonctionne au propane. Même chose dans la cuisine de l’un de nos établissements, où nous avons un four au propane. Dans les deux cas, nous avons accès à des mesures compensatoires. »

Au CISSS du Bas-Saint-Laurent, les bonbonnes de propane sont pleines et les établissements n’en manqueront pas avant plusieurs jours. Par ailleurs, l’utilisation de cette ressource n’est pas largement répandue : des 42 installations du CISSS, seulement 2 comptent sur le propane comme source de chauffage principale. Par ailleurs, des plans de relève à l’électricité sont prévus, indique la porte-parole Ariane Doucet-Michaud.

Les négociations toujours en cours

 

Les négociations entre le syndicat des Teamsters et le CN se poursuivaient jeudi. La sécurité du personnel est au coeur des pourparlers. Dans le cadre de leur travail, les chefs de train doivent manoeuvrer les trains seuls, en s’agrippant d’une main à l’extérieur de la locomotive et en manipulant une télécommande de l’autre. Le syndicat veut mettre un terme à cette pratique.

La question des horaires et des pauses fait également partie des enjeux à la table de négociations. Le syndicat déplore aussi le fait que le CN tente d’imposer un plafond à vie sur la couverture des médicaments d’ordonnance. Les salaires ne feraient pas l’objet d’une mésentente majeure entre les deux parties.

Avec Marie Vastel et Mylène Crête

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