Analyse: le mauvais bulletin du CPQ

Le Québec affiche une distribution des revenus plus égalitaire que l’ensemble du Canada et l’Ontario.
Photo: Olivier Zuida Le Devoir Le Québec affiche une distribution des revenus plus égalitaire que l’ensemble du Canada et l’Ontario.

Année après année depuis 2010, le Conseil du patronat (CPQ) revient avec son Bulletin de la prospérité du Québec accordant un C à la performance économique du Québec et un B– à celle de l’Ontario. Mais pour une rare fois, l’organisation patronale reconnaît qu’il lui faudra revoir sa copie.

Publié mardi, l’exercice 2019 du Bulletin de la prospérité du CPQ accordait au Québec la note moyenne de C, soit la même évaluation depuis 2010, même si certains indicateurs ont affiché une amélioration, admet l’organisation. L’analyse compare 21 variables socioéconomiques réparties entre ce que le CPQ retient comme étant cinq principaux déterminants de la prospérité, soit la disponibilité et la qualité de la main-d’oeuvre, le coût de la main-d’oeuvre, la réglementation, les finances publiques et la fiscalité, ainsi que l’environnement d’affaires. Une liste très « corporative », qui place les recettes fiscales du Québec supérieures à la moyenne canadienne au rang de « pression fiscale ». Ou une hausse du salaire minimum à la catégorie des irritants. Ou encore les cotisations des employeurs au filet de protection sociale que composent l’assurance emploi, l’assurance parentale, le Régime des rentes du Québec ou la CNESST au niveau d’une taxe sur la masse salariale.

Le bulletin du CPQ ne fait aucun cas de cette capacité de l’économie du Québec à récupérer des chocs conjoncturels comme elle l’a fait au sortir de la Grande Récession de 2009. Ni de ce découplage plus criant entre les économies du Québec et du Canada, avec un écart de croissance entre les PIB respectifs allant en se creusant et avec une démarcation prononcée de l’évolution des taux de chômage et de la progression des salaires. Ni de ce coût de la vie, inférieur ici, et d’un accès à la propriété immobilière encore soutenable dans nombre de marchés du Québec.

Que dire du retour à l’équilibre budgétaire, qui devrait réjouir l’organisation patronale. « Le Québec affiche l’excédent le plus important parmi les provinces canadiennes au 31 mars 2018 », notait l’édition 2019 du Panorama des finances publiques du Québec, publié par la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke. Et si le poids de la fiscalité est encore bien ressenti, le Québec demeure parmi les plus compétitifs lorsque la charge fiscale nette est prise en compte et il affiche un régime fiscal particulièrement progressif, ajoutait la Chaire.

Le Bulletin le retient dans sa conclusion, pour corréler cette situation budgétaire à la création d’« un climat plus optimiste dans le milieu des affaires ». Et non d’une récupération d’une marge de manoeuvre dont les entreprises seraient les premières à bénéficier en cas de revers conjoncturel.

La liste des considérants, déjà longue, s’enrichirait d’une mesure de prospérité d’une société débordant de la simple définition du PIB et d’un environnement favorable aux affaires pour inclure la qualité de vie, l’environnement, la santé, l’éducation, la culture, la diversification économique, la valeur ajoutée, la répartition de la richesse et la réduction des inégalités. Sur ce dernier point, le Québec affiche une distribution des revenus plus égalitaire que l’ensemble du Canada et l’Ontario, une situation qui perdurait depuis 1988 et qui tendait à s’amplifier au fil du temps, rappelait le Cirano en 2018 en s’inspirant du coefficient de Gini.

Indicateurs à considérer

Le CPQ n’est pas fermé pour autant. Dans son édition 2019, il reconnaît que « l’évolution positive de certains indicateurs de prospérité n’est pas considérée […]. C’est le cas, entre autres, du taux de chômage plus bas que dans le reste du Canada, à des bas historiques, de la vigueur des investissements en construction et des exportations ». Il ajoute dans son communiqué qu’« à l’avenir il sera important d’évaluer de nouveaux indicateurs de prospérité, comme la performance en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre ».

Dans la foulée, on pourrait mesurer les externalités associées à cette production de biens et services. L’impact environnemental, l’empreinte carbone, les gaz à effet de serre émis, la santé publique, le legs aux générations futures, les revenus, mais aussi les coûts et les retombées entrent désormais dans le calcul de la rentabilité d’abord économique, puis sociale, d’une activité, d’un projet. Ici aussi, le Québec a la capacité et la potentialité de soutenir la comparaison.

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