Flambée des prix du pétrole

Le baril de WTI, la référence du brut à New York, a grimpé de 14,7% pour finir à 62,90$.
Photo: Spencer Platt / Getty Images / AFP Le baril de WTI, la référence du brut à New York, a grimpé de 14,7% pour finir à 62,90$.

De Moscou à Washington, les autorités ont tenté de rassurer les marchés lundi en affirmant que les attaques contre des installations pétrolières saoudiennes n’allaient pas conduire à une pénurie d’or noir dans le monde, mais elles n’ont pu empêcher une flambée des cours.

Le baril de référence sur le marché mondial, le Brent de la mer du Nord coté à Londres, a bondi de 14,6 % pour finir à 69,02 $. Il s’agit de sa plus forte progression depuis que ce contrat a été formalisé en 1988. Il s’était temporairement envolé de près de 20 % à l’ouverture.

Le baril de WTI, la référence du brut à New York, a grimpé de 14,7 % pour finir à 62,90 $, enregistrant au passage sa plus forte hausse depuis décembre 2008. Liée de près à l’industrie pétrolière canadienne, elle-même directement sous l’influence des prix mondiaux, la Bourse de Toronto a établi un nouveau record, son indicateur composé S & P / TSX clôturant la journée à 16 751,31 points, soit 68,89 points ou 0,41 % de plus que vendredi.

Cette montée abrupte des cours de l’or noir est la conséquence directe de deux attaques d’envergure menées en Arabie saoudite contre l’usine d’Abqaiq, la plus grande pour le traitement de pétrole au monde, et sur le champ pétrolier de Khurais. Elles ont entraîné une chute de moitié de la production saoudienne, à hauteur de 5,7 millions de barils par jour, soit environ 6 % de l’approvisionnement mondial. Outre la brutale réduction de l’offre d’or noir, ces attaques ont réveillé la crainte d’une escalade des tensions dans la région.

Paroles rassurantes

 

Le ministre américain de l’Énergie, Rick Perry, a bien tenté de freiner la flambée des prix du pétrole en mettant en avant la « quantité substantielle de pétrole disponible ».

« Oui, il va y avoir des perturbations pendant un certain temps. Oui, il va y avoir une flambée [des prix], mais pas de l’ampleur dévastatrice que cela aurait eue il y a encore cinq ans », a-t-il assuré sur les ondes de la chaîne CNBC.

Il y a « plein de pétrole ! », avait déjà tweeté la veille le président américain, Donald Trump, qui a autorisé l’autorisation des réserves stratégiques américaines de pétrole. « Pour le moment, les marchés sont bien approvisionnés avec de nombreuses réserves commerciales », a aussi affirmé lundi matin l’Agence internationale de l’énergie (AIE).

Grâce aux réserves mondiales, « il n’y a pas besoin de prendre en urgence des mesures supplémentaires », a également déclaré le ministre de l’Énergie russe, Alexandre Novak, qui devait s’entretenir avec son homologue saoudien dans la journée. Le royaume saoudien a déjà promis de mobiliser ses vastes réserves pour amortir le choc.

« Selon les données du cabinet JODI, l’Arabie saoudite a environ 188 millions de barils de pétrole en réserve, ce qui, au rythme de 5,7 millions de barils par jour, couvre environ 33 jours », calculent dans une note les analystes de Morgan Stanley. L’évolution des cours du pétrole dans les prochaines semaines dépendra de l’étendue des dégâts à l’usine d’Abqaiq, estiment plusieurs analystes.

Les gagnants et les perdants

 

Cet événement pourrait aussi forcer les autorités saoudiennes à reporter l’entrée en Bourse très attendue du géant pétrolier Aramco. L’entreprise, dont la valeur boursière doit dépasser les 1000 milliards de dollars, prévoyait jusqu’ici de s’introduire en novembre sur son marché local et en 2020 sur une Bourse internationale.

L’attaque vient doper des prix du brut que les membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) tentaient depuis des mois de soutenir en s’engageant collectivement à limiter leur offre. Les membres et partenaires de l’alliance pétrolière devraient par ailleurs être disposés à compenser à court terme le manque de production de Riyad, ce qui générera pour eux des recettes d’autant plus importantes, estime Craig Erlam, analyste chez Oanda.

Les États-Unis devraient profiter de cette attaque contre le géant saoudien, grâce à leur production pétrolière, la plus importante au monde, dynamisée par l’exploitation massive du pétrole de schiste, selon les analystes de JBC Energy. « Les États-Unis vont juste continuer à pomper et les prix plus élevés ne feront que soutenir la croissance de la production américaine », renchérit Neil Wilson. En tant que partenaire de l’OPEP et deuxième exportateur de pétrole, la Russie fait « certainement partie de ceux qui sont prêts à remplir un vide si besoin est » et devrait donc en profiter à court terme, estime Craig Erlam. En revanche, l’envolée des cours de l’or noir pourrait peser encore plus une croissance mondiale déjà ralentie.

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