Analyse: les distorsions de M. Trump

Qualifiés de «crétins» par Donald Trump, les dirigeants de la Fed privilégient des taux faibles, plutôt que négatifs.
Photo: Brendan Hoffman Getty Images Agence France-Presse Qualifiés de «crétins» par Donald Trump, les dirigeants de la Fed privilégient des taux faibles, plutôt que négatifs.

Le président américain en remet. Aux « crétins » de la Réserve fédérale, Donald Trump ne demande plus une baisse marquée, mais bien des taux au-dessous de zéro. Comme si l’Europe n’enseignait pas que les taux négatifs ne riment pas avec vigueur économique.

Le qualificatif de « crétins » accolé aux dirigeants de la Fed est venu d’un tweet du président diffusé mercredi, Donald Trump musclant ses attaques verbales contre la banque centrale américaine. « Les États-Unis devraient toujours payer le taux le plus bas. Pas d’inflation ! C’est la naïveté de Jay Powell et de la Réserve fédérale qui ne nous permet pas de faire ce que d’autres pays sont déjà en train de faire », reprend l’Agence France-Presse.

Ces « fameux » taux négatifs perdurent depuis cinq ans en Europe, la faiblesse de la croissance et une inflation sous les cibles empêchant les banques centrales — envieuses qu’elles sont de la marge de manoeuvre retrouvée de la Fed — de normaliser leur politique monétaire. Un ancrage plus profond en territoire des taux négatifs est attendu, rendant le levier monétaire en définitive stérile tout en altérant la marge bénéficiaire des banques. Une demande accrue pour des éléments d’actif plus risqués et l’apparition de bulles viennent compléter le portrait.

Une croissance anémique en Europe qui n’est certes pas sans traduire les effets de ces longues tractations autour du Brexit, mais qui subit surtout les contrecoups de la rhétorique de sanctions de M. Trump et de cette guerre commerciale livrée à la Chine. L’Allemagne, une économie fortement tributaire des exportations tanguant du côté de la récession, est devenue l’illustration des déséquilibres déformant le flot du commerce mondial au détriment des économies européennes.

À leur tour, ces taux négatifs en Europe et au Japon, particulièrement dépressifs pour l’épargne et l’investissement, alimentent un déplacement des capitaux vers les économies à taux positif. Premiers à en bénéficier, les États-Unis carburent aujourd’hui avec des taux à long terme particulièrement faibles, plongeant les marchés boursiers dans l’inquiétude d’une inversion de la courbe de rendement annonciatrice d’une récession qui ne trouve pourtant pas écho dans le « fondamental » de l’économie américaine. À l’exception d’un secteur manufacturier plombé par les tensions commerciales, la croissance américaine demeure solide, reposant sur la vigueur du marché du travail et des gains salariaux soutenant les dépenses de consommation des ménages.

Onde de choc au Canada

 

Ces distorsions n’épargnent pas le Canada. Les économistes de la Banque Royale ont fait ressortir mercredi les difficultés liées au commerce international ressenties ici. « Les entreprises canadiennes ne sont pas à l’abri du bouleversement des chaînes logistiques mondiales qui découle du conflit commercial entre les États-Unis et la Chine », ont-ils écrit. Tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium, levés en mai, droits punitifs sur le bois d’oeuvre, représailles chinoises liées à l’affaire Huawei… Les mesures de rétorsion ont coûté 6 % des exportations de marchandises de la Saskatchewan et 2 % de celles de la Colombie-Britannique, alors qu’au Manitoba les exportations de denrées agricoles ont chuté de 48 %, forçant une révision à la baisse des perspectives de croissance pour ces provinces.

Au Québec, l’incidence des tarifs et sanctions concerne un peu moins de 3 % des exportations de marchandises, selon les données de la Royale.

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