Le gouvernement est essentiel à la classe moyenne québécoise, selon une étude

Sans les gouvernements, la proportion de Québécois appartenant à la classe moyenne serait non seulement la même que dans le reste du Canada, mais elle serait surtout nettement plus petite, conclut une étude.
Lorsqu’on ne se fie qu’aux salaires, rendements de placement et autres revenus de marché, seulement 43 % des Québécois et des Canadiens répondent à la définition de la classe moyenne. Mais une fois que les impôts et les transferts des gouvernements sont passés par là, cette proportion grimpe à 61 % au Québec, contre 57 % dans le reste du Canada, rapporte une étude de l’Observatoire québécois des inégalités qui doit être dévoilée ce mardi.
« Franchement, on ne s’attendait pas à un effet aussi marqué », a expliqué lundi en entretien téléphonique au Devoir Nicolas Zorn, directeur général de l’Observatoire et coauteur, avec Elmer van der Vlugt, de l’étude d’une douzaine de pages.
En milieu de peloton
Dans leur étude, les deux chercheurs ont appliqué au Québec une méthodologie récemment employée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans un autre rapport sur le même sujet en avril. Pour appartenir à la classe moyenne, les ménages doivent avoir un revenu après impôt et transferts se situant entre 75 % et 200 % du revenu médian, c’est-à-dire ce point partageant exactement la population en deux en fonction de leurs revenus.
Basée sur un revenu ajusté en fonction de la taille des ménages, cette définition équivaut au Québec à des revenus annuels compris entre 29 600$ et 79 000$ pour une personne seule, 41 900$ et 111 700$ pour un ménage de deux personnes et 59 300$ et 158 000$ pour une famille de quatre personnes.
Selon cette définition, 61 % de la population québécoise appartiendrait à la classe moyenne, 31 % au groupe des moins nantis et 8 % à celui des plus riches. Cela donnerait au Québec une classe moyenne un peu plus grosse que dans le reste du Canada (57 %) — où les plus pauvres comptent pour 33 % et les plus riches pour 10 % —, et, selon l’OCDE, plus grosse encore qu’aux États-Unis (51 %) ou au Mexique (45 %), mais dans la moyenne des pays de l’OCDE (62 %) et plus petite qu’en Allemagne (64 %), au Japon (65 %), en France (68 %) ou en Norvège (71 %).
Si l’on suit l’exemple de nombreux chercheurs et que l’on en réduit la limite supérieure à 150 % du revenu médian (118 500$ pour une famille de quatre), la classe moyenne passe de 61 à 48 % de la population québécoise (44 % dans le reste du Canada), alors que la proportion de mieux nantis passe de 8 à 21 %, ont calculé Zorn et van der Vlugt.
Inaccessible normalité
Dans leur étude, les deux chercheurs n’ont pas choisi de décrire l’évolution de la situation au fil des ans. Toutefois, le portrait au Québec ne serait probablement pas tellement différent, disent-ils, de celui que brossait l’OCDE dans son rapport du mois d’avril, qui évoquait un appauvrissement relatif de la classe moyenne avec la stagnation de ses revenus et l’augmentation du prix des maisons, des coûts d’éducation et de santé et de nombreux autres biens et services normalement associés au niveau de vie de la classe moyenne.
« Encore là, le Québec se démarque par des coûts de logement, de santé ou encore d’éducation relativement plus bas qu’ailleurs en Amérique du Nord », note cependant Nicolas Zorn.
Le creusement des inégalités et le fait d’être plus exposé que jamais au mode de vie des gens riches par les médias et les réseaux sociaux nourrissent des aspirations inatteignables et contribuent à une frustration grandissante à l’égard des gouvernements et de la société, observait aussi l’OCDE.
« On en vient à voir cette vie de luxe comme la normalité, renchérit Nicolas Zorn. Or, l’accession à la classe moyenne est aussi perçue comme l’accession à une vie normale. »