Analyse: sortie bancaire de la réassurance

Les pertes économiques découlant des catastrophes naturelles sont très pesantes dans les résultats des assureurs.
Photo: Ryan Remiorz La Presse canadienne Les pertes économiques découlant des catastrophes naturelles sont très pesantes dans les résultats des assureurs.

Les risques climatiques font perdre aux banques leur assurance face à la réassurance. Du moins, la BMO pourrait donner le ton. La Banque vient d’annoncer une réduction notoire de la voilure de ses activités dans cette industrie, évoquant une relation risque-rendement potentiel devenue défavorable en raison des défis et de la volatilité qu’engendrent les enjeux climatiques.

En marge de la divulgation de ses résultats financiers du troisième trimestre mardi, la Banque de Montréal annonçait se défaire de la majorité de ses activités en assurance auprès des assureurs, plaidant une performance ne répondant plus aux attentes en matière de risque-rendement. Ses activités en réassurance biens et dommages sont les principales concernées, les réclamations associées aux changements climatiques alimentant une variabilité des résultats et une rentabilité inférieure aux cibles recherchées, a-t-on pu lire dans le Post. Il faut prévoir qu’avec les changements climatiques, les réclamations seront plus fréquentes et plus élevées, précise la Banque.

Une préoccupation bancaire qu’on ne perçoit pas encore dans l’univers de l’assurance, où le volet réassurance continue de bien se porter dans son ensemble. La firme d’évaluation S & P Global Rating parlait même cet été d’un raffermissement. Les rondes de refinancement ont reçu un bon accueil, ce qui a permis de sécuriser les capacités de réassurance et de maintenir la bonne capitalisation de ce marché. Cela s’est fait au prix d’une augmentation des primes parfois substantielles — de l’ordre de 15 à 25 % — dans les zones touchées par les catastrophes naturelles, par un durcissement des termes et des conditions, et par une différenciation géographique, indique l’agence de notation.

Absorber le choc

 

Les pertes économiques découlant des catastrophes naturelles sont ressenties dans les résultats des assureurs, mais la diversification de leur portefeuille vient en atténuer la portée générale. De plus, la forte capitalisation des compagnies — à 4400 milliards à l’échelle mondiale chez les assureurs, à 585 milliards pour les réassureurs selon les données d’Aon — absorbe le choc. Si l’inquiétude est présente, l’impact anticipé demeure donc lointain dans leur préoccupation. Ces institutions sont, certes, sorties massivement du charbon, mais si le baromètre des risques systémiques de la Fédération française de l’assurance (FFA) sert de référence, le réchauffement climatique demeure au cinquième rang dans la liste des risques les plus élevés, devancé par la cybercriminalité, les tensions sociales, une crise du système financier et des préoccupations de nature… comptable. Un risque encore qualifié d’« émergent ».

Du strict point de vue financier, le bilan est pourtant lourd. Le cabinet spécialisé en gestion de risque Aon a avancé le chiffre de 225 milliards $US en pertes économiques à l’échelle mondiale en 2018, pour des pertes assurées de 90 milliards, en hausse d’environ 50 % sur la moyenne annuelle 2000-2017. « Les sinistres catastrophiques ont fait de 2017 et 2018 la période de deux ans la plus onéreuse jamais enregistrée pour les assureurs. » Corrigées de l’inflation, ces pertes de 2018 arrivent au deuxième rang de l’histoire, précédées de celles de 358 milliards comptabilisées… en 2017. Et ce total de 225 milliards marque la troisième année consécutive de pertes liées aux catastrophes dépassant le seuil des 200 milliards, la dixième depuis 2000.

Sur ce dernier horizon de 20 ans, le Bureau des Nations unies pour la réduction des risques de catastrophes a déjà chiffré à 2245 milliards $US le cumul des pertes économiques liées au changement climatique, en hausse de 150 % sur la période de 20 ans précédente.

On fait le constat, dans l’industrie, que les montants des indemnisations liées aux catastrophes naturelles ne cessent d’augmenter, du fait de leur récurrence, mais également qu’elles frappent de plus en plus « des territoires plus riches », a déjà mentionné la FFA. S’ajoute à la problématique cette autre réalité, celle des catastrophes touchant des pays ou faisant des victimes n’ayant pas accès à une couverture d’assurance. Mais l’urgence est ailleurs.

Le réchauffement climatique est au 5e rang dans la liste des risques émergents.

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