La Caisse de dépôt durcit le ton contre SNC-Lavalin

SNC-Lavalin a réitéré lundi «son plein engagement» envers le Réseau express métropolitain, projet phare de la Caisse de dépôt actuellement en construction.
Photo: Olivier Zuida Le Devoir SNC-Lavalin a réitéré lundi «son plein engagement» envers le Réseau express métropolitain, projet phare de la Caisse de dépôt actuellement en construction.

Dans une rare sortie publique, la Caisse de dépôt a critiqué la direction de SNC-Lavalin. L’institution a manifesté clairement son impatience face à cette autre réorganisation annoncée lundi par la firme d’ingénierie venant amplifier ses contre-performances financières.

Cette énième réorganisation annoncée par SNC lundi, incluant une nouvelle orientation stratégique, l’inscription d’une nouvelle charge de 1,9 milliard et le retrait de toutes prévisions, est venue irriter la Caisse de dépôt, actionnaire à quelque 20 % et jadis plutôt conciliante malgré la série de déconvenues de la multinationale québécoise. « La détérioration de la performance de SNC-Lavalin présentée dans le communiqué de la société [publié] plus tôt aujourd’hui est une source de préoccupation grandissante pour la Caisse. La situation dans laquelle se trouve la société exige des actions décisives, sans délai, de la part de son conseil d’administration », peut-on lire dans la réaction du gestionnaire québécois.

Plus en détail, SNC a précisé lundi abandonner le domaine des contrats clé en main à prix forfaitaires, « cause première des problèmes de rendement de la société » et généralement source de dépassements de coûts. SNC a ajouté qu’elle complétera d’ici la fin de 2021 plus de 80 % du carnet de commandes de 3,2 milliards afférent à ces contrats à prix fixe, avec les deux projets restants (dont le Réseau express métropolitain) devant être entièrement livrés d’ici 2024. La firme d’ingénierie a réitéré son « plein engagement » envers le REM.

Le secteur Ressources, comprenant Pétrole et gaz et Mines et métallurgie, et l’unité d’exploitation Construction des infrastructures seront séparés des activités principales, « en raison du faible rendement continu de ces segments ». Pour l’exercice clos le 31 décembre 2018, ces activités avaient amputé le bénéfice d’exploitation d’ensemble de 237 millions. SNC envisage toutes les options pour le secteur Pétrole et gaz, « y compris la transition vers un modèle basé sur les services ou un désinvestissement ». Une large part de la perte sur achalandage de 1,9 milliard vient de l’unité d’exploitation Kentz, achetée en 2014 pour 2,1 milliards.

SNC entend se concentrer sur les activités du secteur Ingénierie, conception et gestion de projets, les services Opérations et maintenance d’infrastructure et le secteur nucléaire, dits à haut rendement et à croissance élevée. Regroupées sous SNCL Services, qui constitue désormais l’épine dorsale de l’entreprise, ces activités devraient dégager un bénéfice d’exploitation sectoriel « comparable » à celui des périodes précédentes. Il atteignait 551,5 millions en 2018.

Pas convaincant

 

Ce changement d’orientation stratégique par rapport aux choix retenus sous la direction de Neil Bruce, qui a annoncé son départ à la retraite en juin dernier, ne convainc pas. « Nous notons que la société a exprimé son intention de changer certains éléments de sa stratégie », a commenté la Caisse de dépôt dans son communiqué. Au bénéfice de toutes les parties prenantes de la société, cette nouvelle orientation « devra couvrir l’ensemble de ses activités et permettre de renverser la tendance actuelle, qui est inacceptable. Nous nous attendons de plus à ce que cette stratégie soit accompagnée d’un plan d’exécution réaliste. »

Pour 2019, SNC prévoit désormais des résultats financiers de loin inférieurs à ceux anticipés, tout en retirant toutes perspectives annuelles. Au terme de l’exercice 2018, SNC avait comptabilisé une perte de 1,3 milliard, incluant une radiation de valeur d’achalandage de 1,2 milliard, après avoir révisé deux fois à la baisse ses prévisions pour l’exercice. Un an plus tôt, elle avait dégagé un bénéfice net de 382 millions, ou de 2,34 $ par action. Ses projections pour 2019, établies en début d’année et réitérées à la fin du premier trimestre, ciblaient un bénéfice net ajusté entre 3 et 3,20 $ par action. Au premier trimestre de 2019, elle a inscrit une perte de 17,3 millions.

« La Caisse continue de croire qu’après de nécessaires changements à sa stratégie et à son exécution, SNC-Lavalin a la capacité d’être une société d’envergure mondiale prospère. Nous continuerons de suivre de près les décisions de la société dans les prochaines semaines », dit la Caisse de dépôt.

À la Bourse de Toronto, l’action de SNC se repliait de 1,70 $, ou de 6,7 %, lundi pour clôturer à 23,80 $, près de son bas des 52 dernières semaines à 23,44 $, et loin de son sommet, à 57,93 $.

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