Les commerçants à la conquête de l’espace

Déjà, en 1968, le réalisateur visionnaire Stanley Kubrick montrait, dans son cultissime «2001, l’odyssée de l’espace», le passager d’un vol commercial effectuant une escale dans un hôtel en orbite autour de la Terre sur sa route vers une colonie lunaire.
Photo: Warner Bros. via Associated Press Déjà, en 1968, le réalisateur visionnaire Stanley Kubrick montrait, dans son cultissime «2001, l’odyssée de l’espace», le passager d’un vol commercial effectuant une escale dans un hôtel en orbite autour de la Terre sur sa route vers une colonie lunaire.

Dans le film de science-fiction 2001, l’odyssée de l’espace, le réalisateur Stanley Kubrick montrait déjà, en 1968, le passager d’un vol commercial effectuer une escale dans un hôtel en orbite autour de la Terre sur sa route vers une colonie lunaire.

Présentée depuis des décennies comme imminente, l’entrée des compagnies privées et de leur logique commerciale dans l’aventure spatiale s’est toutefois largement heurtée à la complexité et au coût prohibitif des activités extraterrestres ainsi qu’au simple manque d’occasion d’affaires. Mais les choses sont peut-être en train de changer.

Dans une étude publiée à l’automne 2017, Morgan Stanley Research a estimé que l’industrie spatiale mondiale a la capacité de tripler sa taille, en passant d’un total de 350 milliards à 1100 milliards $US d’ici 2040. Ce bond spectaculaire serait notamment rendu possible par la réduction des coûts de lancement dans l’espace, grâce à l’avènement de fusées réutilisables, d’environ 200 millions à 60 millions $US pour un satellite, par exemple, et même à terme à 5 millions.

L’espace colle aux trois défis de notre siècle — sécurité, connectivité, climat — et leur apporte des réponses impossibles à mettre en œuvre depuis la Terre

Ce bouleversement financier se produira en même temps, poursuivait l’étude, que les progrès de la miniaturisation et des techniques de fabrication à la chaîne. Celles-ci permettront de remplacer d’immenses satellites géostationnaires de 500 millions $US par des constellations de nanosatellites vendus 500 000 $ l’unité. Un progrès qui interviendra alors qu’explosera la demande de liens de communication et de moyens d’observer la Terre avec le rattrapage des pays en développement, la révolution de l’Internet des objets, les bouleversements climatiques et les nouvelles tensions géopolitiques. Entre 2013 et 2017 seulement, le nombre de satellites autour de la Terre a bondi de 50 %, rapportait au début de l’année le quotidien français Les Échos. Cela faisait dire dans ces pages au p.-d.g. d’Arianespace, Stéphane Israël : « L’espace colle aux trois défis de notre siècle — sécurité, connectivité, climat — et leur apporte des réponses impossibles à mettre en oeuvre depuis la Terre. »

La ruée vers l’espace

Mais il n’y a pas que le commerce des satellites qui commence à faire saliver les gens d’affaires. Tout le monde a entendu parler de ces millionnaires qui se sont déjà inscrits pour faire du tourisme spatial à bord des futurs vaisseaux des compagnies SpaceX d’Elon Musk, Blue Origin de Jeff Bezos ou encore Virgin Galactic de Richard Branson. Un milliardaire japonais a même acheté à SpaceX un billet de 100 millions $US pour aller faire le tour de la Lune.

Mais avant cela, l’entreprise d’Elon Musk aura commencé, à l’instar de Boeing, à transporter les astronautes américains vers la Station spatiale internationale. Son rival, le patron d’Amazon, Jeff Bezos, se prépare, quant à lui, à envoyer du matériel et des instruments scientifiques sur la Lune, où il compte trouver, entre autres ressources à exploiter, de l’eau dont on tirera l’hydrogène et l’oxygène qui serviront de carburant aux prochaines missions habitées vers Mars. D’autres se voient déjà en train de forer des astéroïdes pour en tirer des métaux précieux, au point de demander et d’obtenir que les États-Unis et le Luxembourg leur accordent ce que d’aucuns considèrent comme une entorse au Traité de l’espace.

Photo: Warner Bros. via Associated Press Des millionnaires se sont déjà inscrits pour faire du tourisme spatial à bord des futurs vaisseaux des compagnies SpaceX d’Elon Musk, Blue Origin de Jeff Bezos ou encore Virgin Galactic de Richard Branson.

C’est que tous ces projets s’échafaudent sous le regard bienveillant des gouvernements. Habituée, au temps des missions Apollo, de diriger l’ensemble des opérations tout en faisant appel, au besoin, à des sous-traitants du secteur privé pour la réalisation d’une certaine étape, la NASA s’est mise à céder de plus en plus de place au secteur privé, au point de fonctionner principalement, aujourd’hui, par appels d’offres auprès d’entreprises qui deviennent ensuite ses partenaires, mais qui peuvent aussi mener leurs propres projets spatiaux de leurs côtés, expliquait l’an dernier l’économiste et directeur du cabinet Asterès, Nicolas Bouzou, au quotidien Le Monde. S’inspirant de leurs pratiques dans d’autres secteurs de l’économie, notamment de la défense, Washington n’accepte de faire affaire qu’avec des entreprises américaines, dont il subventionne indirectement les activités commerciales privées en acceptant de payer deux fois plus cher pour les contrats publics.

La stratégie ne trompe personne et est imitée par les rivaux russes et chinois, rappelle Les Échos. En Chine, le régime a ainsi ouvert son secteur spatial au privé en 2014, mais le réserve à une soixantaine de versions chinoises de SpaceX et de Blue Origin, qui s’appellent là-bas Landscape Technology, LinkSpace, OneSpace ou Glory Space.

Prudence

 

Certains observateurs se méfient toutefois de cette fièvre spatiale qui s’est emparée du milieu des affaires et qui a fait exploser le nombre de compagnies spatiales avec lesquelles la NASA fait affaire, passé d’une dizaine de grandes entreprises à 435. Amazon, Google et SpaceX ne sont toutefois pas les premières compagnies à penser pouvoir faire fortune en déployant de nouveaux satellites, rappelait au début du mois le Financial Times. Leurs prédecesseures s’appelaient GlobalStar, Iridium ou encore Avanti, et s’y sont cassé les dents.

On se montre encore plus prudent face aux projets plus ambitieux d’exploration spatiale privée. En 2007, on se croyait aussi à l’aube de la première mission d’un vaisseau spatial privé sur la surface de la Lune, rappelait l’automne dernier le New York Times. Cet événement apparaissait si près que l’on avait même créé un « Google Lunar X Prize » assorti d’une récompense de 20 millions $US pour la compagnie qui réussirait l’exploit. Mais après de nombreux reports, la compétition a été discrètement abandonnée l’an dernier, faute de concurrents.

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