Les véhicules électriques freineront le pétrole canadien

La transition vers les véhicules électriques est plus avancée qu’il n’y paraît sur les routes, estiment des analystes. Et l’un des premiers à en faire les frais sera vraisemblablement le pétrole canadien.
Il faut prendre garde de se laisser tromper par la très faible proportion actuelle (moins de 3 %) de véhicules électriques ou hybrides dans la flotte mondiale d’automobiles, prévient la firme d’analyse montréalaise E & B Data dans une brève note dévoilée mardi. Même lorsqu’on exclut du calcul tout le volet de la recherche et du développement — plus tourné vers l’exploration de nouvelles technologies à plus long terme —, presque 40 % (38,5 %) de la valeur des projets d’investissement annoncés dans le secteur automobile à l’échelle mondiale concernent, en effet, précisément ce type de véhicules.
Une analyse de l’agence de presse Reuters a, par ailleurs, récemment rapporté que la trentaine de principaux constructeurs automobiles du monde ont annoncé jusqu’à présent au moins 300 milliards $US d’investissement dans les véhicules électriques ou hybrides, à raison entre autres d’environ 140 milliards par des compagnies allemandes, de 57 milliards par les Chinois, de 29 milliards par les Américains, de 24 milliards par les Japonais et de 20 milliards par les Sud-Coréens.
« Cette reconfiguration des capacités de production se traduira inévitablement par des changements correspondants dans la composition du parc mondial de véhicules », observent les analystes d’E & B Data. Le graduel basculement que cela annonce pour les 15 à 20 prochaines années ne mènera probablement pas à la disparition complète des véhicules à essence, poursuivent-ils, du moins pas tout de suite, mais cela ne manquera pas d’avoir « un impact sensible sur la consommation mondiale de pétrole », puisque 45 % de sa production est destinée aux véhicules automobiles.
Mauvaise nouvelle pour le Canada
La baisse prévisible de la demande de pétrole incitera les acteurs quand même intéressés à investir dans le secteur à mieux choisir leurs projets, poursuit E & B Data. « Les investisseurs pétroliers demeureront actifs [mais] se réfugieront assurément vers les réserves dont la mise en valeur est la moins coûteuse et qui sont situées dans les pays dont la réglementation environnementale est complaisante. »
« À cet égard, le Canada n’est plus dans la course pour l’exploitation pétrolière » en dépit du fait qu’il arrive au 3e rang des plus grandes réserves pétrolières du monde, estiment les analystes, qui en veulent pour preuve la tendance des dernières années au « désinvestissement » dans le secteur pétrolier canadien. « Des 400 milliards d’investissement dans des mégaprojets liés aux hydrocarbures qui avaient été annoncés au cours de la présente décennie au Canada, il y en a seulement un quart qui semble cheminer sans trop d’encombres vers leur réalisation. » Pour les quelque 300 milliards restants, « les difficultés se multiplient, qu’il s’agisse d’opposition environnementale (tant pour l’extraction que pour la construction de pipelines) ou d’une viabilité financière de plus en plus incertaine ».
De plus en plus réticents à se lancer dans « les investissements initiaux massifs » que requiert l’exploitation des sables bitumineux et des réserves extracôtières propres au Canada, les investisseurs leur préfèrent notamment le gaz et le pétrole de schiste américains, plus faciles et moins coûteux à produire.
Si au moins le secteur automobile canadien donnait des signes de se préparer à surfer sur la nouvelle vague des véhicules électriques et hybrides, mais ce n’est malheureusement pas le cas, conclut à regret E & B Data. « Jusqu’ici, les investissements qui y sont annoncés sont très limités » et sont loin de compenser « l’érosion de sa capacité de production de véhicules automobiles traditionnels » des dernières années.