Québec dispose d’un surplus budgétaire trois fois plus important qu’il ne le prétend

Il y a dix jours, Eric Girard prévoyait encore boucler son exercice budgétaire 2018-2019 avec un surplus de 1,65 milliard. Le ministre des Finances est toutefois loin du compte, croit l’Institut du Québec.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Il y a dix jours, Eric Girard prévoyait encore boucler son exercice budgétaire 2018-2019 avec un surplus de 1,65 milliard. Le ministre des Finances est toutefois loin du compte, croit l’Institut du Québec.

Le surplus budgétaire sera vraisemblablement de deux à trois fois plus élevé cette année que ne le prédit le gouvernement du Québec, estime une étude.

Il y a dix jours, Eric Girard prévoyait encore boucler son exercice budgétaire 2018-2019 avec un surplus de 1,65 milliard. Le ministre québécois des Finances est toutefois loin du compte, croit l’Institut du Québec (IdQ). Le gouvernement du Québec arrivera plutôt, à la fin du mois de mars, avec un surplus de 3,4 milliards, voire de 4,6 milliards, et ce, même en tenant compte, comme le fait Québec, d’un versement d'environ 2,85 milliards au Fonds des générations.

Si la tendance se maintient, une économie plus forte que ce qui était attendu ayant assuré de meilleurs revenus, mais surtout des dépenses en éducation et en santé moins élevées que prévu, ainsi qu’une autre bonne année pour des organismes comme la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) et le Fonds vert devraient valoir au gouvernement du Québec un surplus de 4,6 milliards à la fin du présent exercice budgétaire, a calculé l’IdQ sur la base des plus récentes statistiques officielles disponibles et à l’aide d’un nouveau simulateur budgétaire qui tient compte des tendances des huit dernières années en la matière.

Marge de manoeuvre

 

S’il venait au gouvernement de François Legault l’idée de refaire la même chose que le gouvernement libéral l’an dernier et d’augmenter ses dépenses en fin d’exercice afin d’atteindre les cibles fixées au départ dans le budget, le surplus s’établirait plutôt à 3,4 milliards.

Pour avoir une probabilité de se réaliser de 68 %, le premier scénario doit s’étendre d’un surplus possible allant de 3,4 milliards à 5,9 milliards. Dans le second cas, il faut accepter que le surplus se situe entre 2,4 milliards et 4,6 milliards, pour avoir le même degré de certitude.

« Dans n’importe quel cas de figure, on n’arrive jamais à un déficit, a constaté en entretien téléphonique au Devoir, lundi, la directrice générale de l’IdQ, Mia Homsy. On en est même loin. […] Évidemment, la situation peut toujours se renverser. Une récession peut survenir et le ministre peut aussi décider de faire un chèque de 1000 $ à chaque Québécois, observe-t-elle. Mais [pour le moment], on a clairement de l’argent. »

Au début du mois, Eric Girard disait vouloir rester prudent notant, par exemple, le ralentissement de l’économie québécoise à partir de la seconde moitié de l’année dernière. Il avait effectivement signalé aussi son intention d’accélérer les dépenses publiques d’ici la présentation de son premier budget attendu en mars. Il avait également ouvert la porte à des « mesures ciblées » destinées à « l’amélioration des services publics » si des sommes restaient à dépenser.

Ce ne serait pas la première année que le gouvernement québécois sous-estime sa marge de manoeuvre budgétaire, observe Mia Homsy. Depuis 2014, chacun de ses exercices financiers prévoyait un déficit à la fin de l’année, « ou, au mieux, l’équilibre budgétaire », mais s’est bouclé avec des surplus de près de 2 milliards sur un budget total d’un peu plus de 100 milliards.

Les raisons de ces surplus ont varié, rappelle l’IdQ. Durant les années de « rigueur » libérale, ce sont principalement les dépenses qui étaient constamment inférieures aux prévisions. Ensuite, ce sont les revenus qui ont été plus élevés, à la faveur notamment du dynamisme économique, mais aussi les coûts de la dette qui ont été moindres et encore et toujours les organismes comme la RAMQ et la SAAQ qui ont obtenu de meilleurs résultats que prévu.

Besoin de transparence

 

Mia Homsy dit comprendre qu’au ministère des Finances on veuille rester prudent pour ne pas se faire piéger par un retournement de la conjoncture économique, particulièrement dans un contexte où le vieillissement de la population laisse entrevoir une baisse du potentiel de croissance économique et une hausse des dépenses en santé. « Il serait quand même important de viser la plus grande transparence possible sur ces tendances, insiste-t-elle. Ne serait-ce que pour pouvoir en débattre publiquement de façon éclairée. »

On pourrait commencer par distinguer, dans les statistiques officielles, quelle part des surplus (ou des déficits) est attribuable à des facteurs structurels, et donc récurrents, ou à des phénomènes conjoncturels sur lesquels on ne peut pas compter à long terme.

Une estimation plus précise des surplus « nous permettrait aussi de mieux planifier les investissements publics et d’éviter d’encourager l’accélération des dépenses en fin d’exercice, comme ce fut le cas l’an dernier », fait-elle valoir. Une telle façon de procéder est sûrement loin d’être la plus efficace et rationnelle « et ne devrait pas devenir la norme ».


 

Une version précédente de cet article, qui indiquait que le versement de Québec au Fonds des générations était estimé à 1,7 milliard par l'IdQ, a été corrigée.

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