La protection des données devient un argument de vente

« Ce qui se passe dans votre iPhone reste dans votre iPhone » : Apple, pourtant absent du Consumer Electronics Show (CES), la grand-messe annuelle de la technologie, s’est offert un immense panneau publicitaire à Las Vegas pour se poser en protecteur des données personnelles.
Dans les allées du CES, qui ouvre ses portes officiellement mardi, le thème de la sécurité n’est pas nouveau. Mais les révélations autour de la gestion opaque des données personnelles et d’enceintes connectées qui enregistrent toutes les conversations de la maisonnée sont passées par là. Le sujet est désormais incontournable et, pour de nombreuses entreprises, il est devenu un axe de développement et un argument marketing efficace.
« Nous avons reçu une leçon très importante cette année [en 2018] : les enceintes intelligentes écoutent en permanence. Avec le risque qu’Alexa [l’assistant vocal d’Amazon] transmette des conversations privées, un appareil peut désormais assurer les consommateurs que leur vie privée numérique est en sécurité », vante ainsi l’entreprise américaine Winston Privacy, qui commence à commercialiser son boîtier éponyme.
Les controverses « sont comme des cadeaux de Noël pour nous ! », se réjouit Richard Stokes, à la tête de l’entreprise. Winston, métal brossé et design épuré, « crypte et anonymise » les données provenant des ordinateurs, tablettes, téléphones et objets connectés de la maison, promettant ainsi « protection » contre « l’espionnage ». Winston bloque aussi la géolocalisation et les pubs, explique M. Stokes.
Le néerlandais Scalys présente quant à lui au CES sa TrustBox (littéralement « Boîtier de confiance »), un routeur censé « sécuriser non seulement les communications, mais aussi tous les objets connectés ».
Selon le cabinet eMarketer, plus de 74 millions d’Américains se serviront d’une enceinte connectée à commande vocale en 2019, soit 15 % de plus que l’an dernier, avec Amazon en leader, suivi de Google.
« La confidentialité est une préoccupation importante et légitime lorsqu’on se sert d’une enceinte connectée », argumente aussi l’américain Smarte. Son module rond Mute sert à boucher les oreilles des enceintes connectées : il se fixe sur le haut de l’Amazon Echo et en bloque les micros quand on le souhaite.
Le français Snips propose avec son logiciel de faire fonctionner des appareils à commande vocale sans avoir besoin d’Internet. Et donc sans risque de fuite de données.
À charge pour les fabricants de les intégrer dans leurs divers appareils : machine à café, lave-linge…
Avant les scandales de 2018 et le Règlement européen de protection des données, « on passait un peu pour des Bisounours bien gentils, mais ensuite, nos clients sont revenus vers nous », intéressés par l’idée de « ne pas dépendre des GAFA », les géants tech, explique le patron de Snips Rand Hindi. Certaines entreprises « ont paniqué » cette année, ajoute-t-il.
« L’année passée, nous avons pris conscience, dans la douleur, à quel point la question des données personnelles est importante et qu’elle a de nombreuses implications », abonde Bob O’Donnell, analyste de Technalysis, qui prévoit de plus en plus de produits off-line en 2019.
À la différence de Google ou d’Amazon, Snips « n’envoie pas votre voix sur des serveurs », il fonctionne de façon locale, dans l’appareil, rappelle Rand Hindi.
Bien que ces géants tech expliquent que l’envoi de données est indispensable pour faire fonctionner leurs assistants vocaux, « ce n’est pas vrai, la seule raison pour laquelle ils en ont besoin, c’est pour vous cibler au maximum », dit-il encore.
Selon lui, Snips « est aussi performant, voire meilleur » que les solutions qui fonctionnent grâce au « cloud », l’informatique dématérialisée, qui fait tourner Amazon Alexa ou Google Assistant.
Exemple radical de la volonté de se démarquer de l’industrie technologique et de toutes ses critiques, le Pavé parisien, enceinte hi-fi sans fil « entièrement en béton » est loin des appareils bourrés d’intelligence et ultra connectés colleteurs de données des géants de la technologie.
« Chaque partie du Pavé parisien est conçue pour être réparable et recyclable », assure la start-up française The Concrete Family, présente au CES, disant vouloir aussi lutter contre « l’obsolescence programmée ».