Le G20 n’est déjà plus ce qu’il était

Accueilli, durant la dernière crise économique, comme le forum qui manquait depuis longtemps à un monde de plus en plus interrelié, le G20 est aujourd’hui un bateau à la dérive, abandonné par une partie de ses membres les plus influents, qui ne voient plus l’utilité pour les nations de travailler de concert.
Les yeux de la planète seront tournés, les deux prochains jours, vers le centre des congrès Costa Salguero au bord du Rio de la Plata à Buenos Aires, en Argentine. Les dirigeants des vingt plus grandes économies développées et émergentes représentant plus de 85 % de l’économie mondiale s’y retrouveront pour discuter de plusieurs enjeux de l’heure sur la planète.
L’événement le plus attendu sera la première rencontre, en plus d’un an, entre le président américain et son homologue chinois, dont les pays sont engagés dans ce qui est déjà peut-être le pire conflit commercial depuis la Deuxième Guerre mondiale. Tout le monde aura aussi à l’oeil aussi la réception qui sera réservée au prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, qui retrouvera pour la première fois les autres depuis l’assassinat vraisemblablement sur son ordre du journaliste Jamal Khashoggi. Il sera également difficile de ne pas parler de l’attaque et la capture de navires ukrainiens et de leurs équipages par la marine russe au large de la Crimée dimanche. Les pays européens et le Japon voudront sans doute aussi s’entretenir avec Donald Trump du renouvellement de ses menaces de tarifs douaniers dans l’automobile ainsi que de son travail de sape en marge des ultradélicates négociations du Brexit. Le Canada et le Mexique ont bon espoir, pour leur part, que l’événement sera l’occasion non seulement de signer le nouvel Accord États-Unis–Mexique–Canada (AEUMC) censé remplacer l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), mais peut-être aussi d’annoncer la levée par Washington de ses tarifs sur leurs exportations d’acier et d’aluminium.
Créé à la fin des années 1990 à l’initiative de Paul Martin, alors ministre des Finances du Canada, le G20 ne réunissait à l’époque que des ministres économiques et avait été mis sur pied pour répondre à une crise financière qui soufflait en Asie et en Amérique latine. C’est à l’occasion d’une autre crise financière, née aux États-Unis celle-là, que le forum a été transformé en réunion au sommet à la fin de 2008. Le G20 devient alors une sorte de comité de crise qui aide à coordonner les secours et les efforts de relance économique des gouvernements, les encourage à éviter de tomber dans le piège du protectionnisme comme durant la Grande Dépression des années 1930 et favorise, par la suite, l’élaboration de nouvelles règles financières visant à éviter une répétition de ce gâchis.
On croit alors avoir enfin trouvé le gouvernement mondial qu’on cherchait depuis des années. Cela faisait longtemps en effet qu’on se plaignait de la vétusté du Conseil de sécurité des Nations unies ou encore de l’absence de plus en plus gênante des principaux pays en développement autour de la table du G7. Le G20 allait toutefois rapidement perdre de sa belle efficacité aussitôt passée l’urgence de la Grande Récession.
D’aucuns rappelleront qu’il était déjà difficile de s’entendre sur certains enjeux à seulement sept pays riches aux intérêts relativement similaires et qu’il est donc normal qu’on ait encore plus de mal à vingt pays beaucoup plus différents en matière d’intérêts politiques et économiques. Encore faut-il comprendre que toutes les solutions ne se commandent pas, mais exigent souvent de l’écoute et des compromis, et de s’engager dans cette démarche avec sérieux et de bonne foi.
Le monde selon Trump
L’actuel locataire de la Maison-Blanche a fait savoir plus d’une fois qu’il ne voit pas l’utilité des forums multilatéraux et qu’il préfère régler directement les choses par lui-même. Apôtre de la loi du plus fort, il n’a que faire de longues et délicates tractations en vue d’une stratégie commune et préfère suivre son instinct et brasser la cage. Pour compliquer les choses, il a fait des émules, notamment en Italie et au Brésil, qui viendront se joindre à lui au G20 ce week-end, aux côtés d’autres dirigeants au comportement imprévisible, comme les présidents de la Russie et de la Turquie.
Pas étonnant, dans ce contexte, que plusieurs doutent fortement que le sommet du G20 aboutisse à quoi que ce soit de substantiel cette année. Travail minutieux et de longue haleine, la rédaction du communiqué final est particulièrement difficile, rapporte-t-on. Contrairement à l’année dernière, on craint notamment cette fois-ci que les autres participants n’oseront pas exiger qu’on fasse explicitement référence à l’urgence de la lutte contre les changements climatiques et à l’importance de respecter les engagements pris dans l’Accord de Paris, sachant que les États-Unis et l’Arabie saoudite s’y opposent.
« La déclaration finale se prononcera sûrement pour la libéralisation du commerce et contre l’isolationnisme. […] Mais il est difficile de prédire quelle sera la teneur du tweet du matin suivant », a ironisé un analyste financier dans Le Monde jeudi en faisant référence à la manie de Donald Trump de tout faire pour empêcher le consensus, même après avoir donné son accord. Le Canada en sait quelque chose, lui qui l’a vu, à la dernière réunion du G7 à La Malbaie en juin, renier sa signature aussitôt retourné dans son avion.
« Ça va être coton », a résumé une source dans le camp français à propos de ce qu’on peut espérer tirer de la réunion du G20 ce week-end.