Le cannabis reste un enjeu pour les assureurs

Les assureurs de dommages devront moduler leur grille de tarification en fonction des nouveaux risques.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Les assureurs de dommages devront moduler leur grille de tarification en fonction des nouveaux risques.

La légalisation du cannabis à des fins récréatives n’aura pas d’incidence sur la cote de solvabilité des assureurs de dommages. Les enjeux n’en demeurent pas moins bien réels pour ces institutions, qui devront moduler leur grille de tarification en fonction des nouveaux risques.

L’agence de notation DBRS ne craint pas pour la cote de la plupart des assureurs de dommages compte tenu de leur forte capitalisation et de leur expérience avec la légalisation du cannabis à des fins médicales. En quelques années seulement, les autorisations médicales sont passées de 14 000 à près de 300 000, a déjà souligné l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes.

La nouvelle loi fédérale apporte toutefois de nouveaux risques susceptibles de plomber leur rentabilité à court ou à moyen terme. Il leur appartient de traduire ces risques, et la grille tarifaire qu’ils induisent, en de nouvelles occasions d’affaires. « Il est prévu que de nouveaux produits et couvertures s’ajouteront aux modifications à apporter aux contrats d’assurance », conclut l’agence. D’ici là, il y aura transition.

Dans une note publiée lundi, l’analyste Marcos T. Alvarez porte son attention essentiellement sur le secteur de l’assurance automobile et de l’habitation. Il n’aborde pas l’assurance vie et invalidité. Dans le premier segment, il dit s’attendre à une hausse des fréquences des réclamations. Il cite des études américaines qui, sans dissiper l’incertitude, établissent un lien entre la consommation de cannabis et les accidents de voiture. Il indique notamment que l’étude du Highway Loss Data Institute comparant les États du Colorado, de Washington et de l’Oregon aux États voisins, où la consommation demeure illégale, a mesuré un accroissement de 3 % des fréquences de réclamation.

Cette corrélation reste toutefois à valider sur une plus grande échelle. Aussi, les assureurs font face au défi de déterminer dans l’analyse des réclamations si le conducteur était sous influence du cannabis au moment où l’accident a eu lieu. Et ils doivent conjuguer avec une détection des facultés affaiblies moins limpide que dans le cas de l’alcool au volant.

D’autant que le THC peut demeurer présent dans le corps plus de 30 jours après la consommation, souligne DBRS. D’autant, également, que les délits sont fréquents. Le cabinet d’avocats Langlois a déjà écrit qu’au Québec, un total de 791 affaires pour conduite avec les facultés affaiblies par la drogue a été enregistré en 2016.

Dans le secteur habitation, sauf au Québec et au Manitoba où la législation ne le permet pas, le droit à la culture personnelle de cannabis dans les résidences privées multiplie les risques pour les assureurs. On pense, ici, aux risques d’incendie et de surcharge électrique, encore plus élevés dans les habitations multilogements et les copropriétés, à ceux liés aux moisissures et aux dommages causés par l’eau, voire au vol et au vandalisme. Les assureurs ont à revoir leur prime et leur couverture tant pour la protection des dommages causés à la propriété que pour l’assurance responsabilité.

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