Le Partenariat transpacifique fait la joie des producteurs de porc québécois

Les exportateurs québécois de porc comptent profiter du Partenariat transpacifique pour augmenter leur présence en Asie et peut-être pour prendre une revanche sur leurs concurrents américains.
Si les producteurs de lait se préparent à faire les frais de l’entrée en vigueur, à la fin de l’année, du Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), il en va tout autrement des producteurs de porc québécois. « C’est une excellente nouvelle. Nous sommes extrêmement bien positionnés pour en profiter », s’est exclamé le président des Éleveurs de porcs du Québec, David Duval, cette semaine, alors que le Canada et l’Australie annonçaient chacun leur tour qu’ils appartenaient désormais au camp des pays signataires ayant officiellement ratifié l’entente, aux côtés du Japon, du Mexique, de la Nouvelle-Zélande et de Singapour, lançant un compte à rebours de 60 jours avant qu’il ne commence à s’appliquer.
Alors que les producteurs laitiers prévoient d’essuyer des pertes de revenus de 160 millions par année en raison des quotas d’importation supplémentaires concédés par le Canada aux dix autres pays signataires, Ottawa fait miroiter une augmentation de 29 % des exportations de porc, et de 36 %, ou 639 millions, au Japon seulement.
C’est que les peuples asiatiques sont très friands de viande de porc et que les Japonais recherchent les meilleures coupes (filets, longes, flancs) ainsi que les produits à valeur ajoutée, explique Richard Davies, vice-président aux ventes et au marketing chez Olymel, premier exportateur de porc au Canada avec plus du tiers du total. On ne s’attend pas, dans son entreprise, à ce que la réduction des tarifs au Japon augmente tellement les marges de profit, mais cela devrait aider à consolider la position des exportateurs canadiens dans ce marché. « Notre porc y est très apprécié. »
Les cinq autres pays signataires qui n’ont pas encore ratifié l’entente sont le Brunei, le Chili, la Malaisie, le Pérou et le Vietnam. Ce dernier est l’autre marché dans lequel les exportateurs de porc canadiens sont susceptibles de faire le plus de gains grâce au Partenariat transpacifique, estime Richard Davies. « Il s’y consomme beaucoup de porc, le revenu par habitant ne cesse d’augmenter et leur approvisionnement est confronté à des problèmes de maladie. La baisse de leurs tarifs ne rendra nos produits que plus intéressants encore. »
Goût de revanche
Le PTPGP pourrait aussi permettre de prendre une douce revanche sur la concurrence américaine, espère-t-on. Il n’est jamais bien long, lorsqu’on discute de commerce avec les producteurs de porc canadiens, avant qu’on évoque le douloureux précédent survenu avec la Corée du Sud. Les exportateurs canadiens s’y étaient déjà taillé une belle place lorsque le Canada et les États-Unis ont entamé chacun de leur côté des négociations de libre-échange avec Séoul, rappelle-t-on. Washington a toutefois été beaucoup plus rapide à obtenir un accord, conférant brutalement un avantage aux producteurs américains, qui ont su en profiter pour évincer les Canadiens du marché coréen avant qu’Ottawa n’ait le temps de conclure sa propre entente en 2014. « On en paie encore le prix aujourd’hui, soupire David Duval. Ça serait bien si on pouvait faire cette fois-ci le même coup aux Américains. »
Signataires de la première version du Partenariat transpacifique, les États-Unis s’en sont en effet retirés au premier jour de l’entrée en fonction du président américain, Donald Trump.
La prochaine étape
Mais pour être en mesure de tirer pleinement profit du PTPGP, éleveurs et transformateurs au Québec devront convenir d’une nouvelle formule de fixation des prix qui assurerait un partage plus équitable des revenus, plaident les Éleveurs de porcs du Québec. Durement touchés entre autres par la chute des prix aux États-Unis qui leur servent de base de calcul, ces derniers ont saisi de l’affaire la Régie des marchés agricoles. « Les producteurs n’ont plus les moyens d’investir dans l’amélioration de leur capacité de production et, si l’on ne parvient pas à augmenter notre production, comment les transformateurs feront-ils pour répondre à l’augmentation de la demande au Japon ou ailleurs en Asie ? » fait valoir David Duval.
Les transformateurs augmentent, de leur côté, leur capacité d’abattage, importent au besoin des porcs de l’Ontario, et poursuivent un processus de consolidation. Le bruit courait notamment, il y a une dizaine de jours, que le numéro un de l’industrie, Olymel, s’apprêterait à acheter le numéro deux, l’entreprise F. Ménard, pour 1 milliard.
Richard Davies ne craint pas qu’Olymel en vienne à manquer de porc à vendre aux clients japonais ou vietnamiens. « Je comprends qu’il puisse y avoir des questions à régler, mais nous saurons à terme nous ajuster. » Personnellement, ce qu’il aimerait maintenant voir, c’est se concrétiser le projet d’Ottawa d’entamer des négociations de libre-échange avec Pékin. « La Chine est le plus gros producteur et le plus gros consommateur de porc au monde, et, en volume, c’est déjà notre marché d’exportation le plus important, dit le représentant d’Olymel. Tout indique que c’est là qu’il faudra concentrer notre attention les prochaines années. »