Apuiat: les Innus n’ont pas dit leur dernier mot

Apuiat est un projet éolien de 200 mégawatts mené par les Innus de la Côte-Nord en partenariat avec l'entreprise Boralex.
Photo: Marie-Pier Frappier Le Devoir Apuiat est un projet éolien de 200 mégawatts mené par les Innus de la Côte-Nord en partenariat avec l'entreprise Boralex.

Au gouvernement Legault, qui entend enterrer le projet éolien Apuiat, les neuf communautés innues du Québec ont servi mardi un avertissement : mieux vaut ne pas rater ce « rendez-vous historique », auquel il serait en outre fort coûteux de tourner le dos.

Le cabinet du ministre des Ressources naturelles, Jonatan Julien, a confirmé à mots couverts la mort du projet, qui devait se concrétiser sur le territoire traditionnel des Innus de Uashat Mak Mani-Utenam, sur la Côte-Nord.

« Notre position n’a pas changé concernant le projet Apuiat. Dans un contexte de surplus d’électricité, ce projet n’est pas rentable. Nous allons prendre le temps de rencontrer les parties prenantes et les Premières Nations avant d’officialiser notre décision », a fait savoir le ministre Julien.

La publication d’un reportage de La Presse annonçant que le gouvernement Legault et Hydro-Québec se sont entendus pour abandonner le projet — sans en discuter avec les Innus — est venue se heurter à la volonté affichée du chef caquiste de renouveler les relations avec les Autochtones.

« Les Innus ne sont plus dans une logique de recevoir une “rente” du gouvernement ou d’Hydro-Québec », ont dénoncé des représentants des communautés innues et de l’entreprise partenaire Boralex.

Apuiat constitue « un rendez-vous historique entre les communautés de la nation innue, le gouvernement du Québec et l’ensemble des Québécois », ont-ils fait valoir.

Vers de lourdes compensations ?

Aux rumeurs voulant que Québec cherche une voie de sortie passant par des compensations, la nation innue a répliqué au moyen d’une longue liste d’impacts qu’aurait le projet.

Selon elle, l’aventure d’Apuiat permettrait de créer 300 à 400 emplois en phase de construction, impliquerait près de 600 millions de dollars en investissements privés et générerait des retombées « beaucoup plus significatives » que les recettes d’un million par année évoquées par Hydro-Québec.

« C’est près d’une dizaine de millions de dollars de plus qui seraient versés annuellement aux communautés innues, et ce, pendant 25 ans à titre de partenaires », ont écrit les représentants innus.

« Est-ce que la solution alternative qui serait proposée aux Innus par Hydro-Québec permettrait de compenser de tels revenus, tout en étant aussi porteuse en matière de développement d’un patrimoine, d’expertise et de fierté ? »

Hydro-Québec nie

 

Hydro-Québec s’est défendue d’avoir signé l’abandon du projet avec le premier ministre Legault sans impliquer les Innus.

« On a effectivement commencé des discussions sur le projet Apuiat », a toutefois confirmé le porte-parole Serge Abergel. Il a précisé que la rencontre entre MM. Legault et Julien et le grand patron d’Hydro-Québec, Éric Martel, portait sur une multitude de sujets.

Sans vouloir s’avancer sur « l’issue des échanges », le porte-parole a rappelé qu’Hydro-Québec avait des « préoccupations » face au projet, dans un contexte de surplus d’électricité.

« On n’a pas aujourd’hui encore statué sur le projet, a-t-il dit. Et on n’a pas non plus décidé d’une solution alternative qui viserait à trouver un compromis qui serait acceptable. »

Reste que la décision d’aborder la question en réunion sans impliquer Boralex et les représentants de la nation innue constitue un « faux pas », a jugé le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard.

« Ça peut avoir des impacts sur l’ensemble de la relation politique », a-t-il averti.

À Hydro-Québec et à Éric Martel, qui dit estimer que le projet entraînerait des pertes de 1,5 à 2 milliards, il a suggéré de faire preuve de davantage de transparence. « C’est quoi, le détail de tout ça ? » a-t-il demandé.

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