Les banques ont besoin de plus de femmes à leur tête, selon le FMI

La faillite de la banque d’affaires Lehman Brothers, le 15 septembre 2008, a plongé l’économie mondiale dans sa pire crise financière depuis la Deuxième Guerre mondiale. Ce choc et les effets de la « Grande Récession » qui a suivi, en venant exacerber le creusement des inégalités et alimenter la montée du populisme, restent encore bien ancrés dans notre quotidien économique et social. Septième d’une série d’articles sur cette crise, dix ans plus tard.
Avoir plus de femmes à la tête des banques et de leurs autorités de surveillance aurait probablement réduit les dégâts, lors de la dernière crise financière, et améliorait aujourd’hui la profitabilité et la solidité du secteur financier, conclut une étude du Fonds monétaire international (FMI).
Il suffirait de réduire de seulement dix points de pourcentage le retard dans le nombre de femmes dans les conseils d’administration des banques pour en améliorer la stabilité autant que l’ont permis toutes les autres améliorations de la réglementation et des comportements depuis la fin de la dernière crise financière, rapporte le FMI dans son étude dévoilée lundi et basée sur de nouvelles données.
Cet impact positif d’une meilleure représentation féminine sur le niveau de fonds propres, les rendements et leur volatilité pouvait déjà être observé l’année de la fameuse faillite de la banque d’affaires Lehman Brothers, en 2008.
Différences hypothèses ont été avancées, ces dernières années, pour expliquer cet effet positif féminin. L’une d’elles voudrait que les femmes soient, par nature, plus prudentes que les hommes face au risque et qu’elles feraient ainsi, à long terme, de meilleures banquières. L’analyse des données ne permet toutefois pas de s’avancer sur cette théorie, expliquent les auteurs de l’étude.
Il en va autrement de trois autres facteurs explicatifs qui semblent tous jouer un rôle. Le premier facteur est lié à l’avantage dont bénéficient manifestement les hommes à l’embauche pour les postes décisionnels et au fait que pour parvenir malgré tout à se tailler une place, les femmes doivent être plus compétentes.
Le deuxième facteur tient au fait que plus une équipe de direction comprend des points de vue diversifiés, meilleure elle est généralement. Le troisième facteur est que plus une banque cherche à réduire une possible discrimination sexuelle, plus elle est susceptible d’adopter d’autres principes de bonne gestion.
Encore loin de Lehman Sisters
Cette nouvelle étude du FMI vient appuyer une opinion souvent exprimée par sa directrice générale, Christine Lagarde. « Comme je l’ai dit à maintes reprises, écrivait-elle encore dans un blogue il y a deux semaines, si Lehman avait été Sisters au lieu de Brothers, le monde serait peut-être très différent aujourd’hui. »
Le monde de la finance est toutefois encore loin de la parité hommes femmes, montrent les auteurs de l’étude. Seulement 2 % des présidents de banques étaient des femmes en 2013, soit dans 15 des 800 banques étudiées dans 72 pays, dont la moitié aux États-Unis et 20 % en Europe.
Cette proportion était un peu plus élevée, quoiqu’encore loin de la parité, au sein des conseils d’administration de ces mêmes banques, à raison de 20 % de femmes dans quatre banques sur cinq et de seulement 4 % de banques avec plus de 30 % de représentation féminine.
La situation n’est guère plus brillante du côté des organismes de surveillance, avec une moyenne de 17 % de femmes en 2015 dans les 115 pays étudiés.
Contrairement à une perception répandue, ce retard est généralement plus prononcé dans les pays riches que dans les pays en voie de développement. La proportion de femmes dans les conseils d’administration de banque a ainsi presque doublé de 2001 à 2013 en Afrique subsaharienne, passant d’environ 10 % à presque 20 %, alors qu’en Amérique du Nord on passait d’environ 6 % à 13 %, que l’Asie de l’Est bondissait de 2 % à 14 %, mais que l’Amérique latine végétait autour de 2 %.
Tous les types d’institutions financières n’accusent pas le même retard, notent les auteurs de l’étude. La proportion de femmes dans les conseils d’administration dépasse en effet les 45 % dans les banques d’épargne, soit quatre fois plus que dans les banques d’investissement, comme la défunte Lehman Brothers.
Les banques n’ont pas le loisir d’évoquer l’excuse du manque de talent féminin, observent les chercheurs du FMI : les femmes comptent désormais dans le monde pour près du tiers des finissants des départements de sciences économiques et pour la moitié des diplômés en études commerciales et en sciences sociales.
Le plus bête est que ces banques augmenteraient leurs performances et leur stabilité si elles faisaient plus de place aux femmes.