ALENA: Chrystia Freeland ne perd pas son optimisme

La ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a conclu deux heures de discussions avec le représentant américain au Commerce, jeudi après-midi, dans ce qui est devenu une course à obstacles vers un nouvel Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).
La rencontre de Mme Freeland avec Robert Lighthizer a donné lieu à de nouvelles directives pour les équipes de négociation. La ministre a conservé le même ton optimiste depuis son arrivée à Washington, cette semaine, pour la relance des discussions avec le gouvernement de Donald Trump. « Nous sommes convaincus, comme nous l’avons été dès le départ, qu’il est possible de conclure un accord qui soit bon pour le Canada, bon pour les États-Unis et bon pour le Mexique », a répété Mme Freeland en quittant le bureau de M. Lighthizer pour regagner l’ambassade du Canada. La ministre a ajouté que les responsables « avaient reçu certaines instructions lors de cette réunion, et qu’ils continueront à travailler alors que les négociations se poursuivent ».
À un jet de pierre de la Maison-Blanche, Mme Freeland et M. Lighthizer ont passé en revue le travail de leurs négociateurs principaux, qui ont tenu une longue série d’entretiens à compter de mercredi soir, puis tôt jeudi matin. Les négociateurs canadiens ont ensuite passé la matinée à l’ambassade du Canada pour discuter des résultats de cette séance, juste avant la rencontre ministérielle.
Comme à son habitude, Mme Freeland a offert peu de détails sur l’état des négociations. Des sources ont toutefois indiqué que les désaccords subsistent sur les enjeux clés des produits laitiers, de l’exception culturelle et du mécanisme de règlement des différends — le chapitre 19 de l’actuel ALENA.
Gestion de l’offre
À Montréal, quelques centaines de jeunes producteurs agricoles ont marché vers les bureaux montréalais du premier ministre Justin Trudeau, jeudi, pour réclamer le maintien intégral de la gestion de l’offre. « On ne veut aucune concession parce que, oui, le maintien de la gestion de l’offre, c’est une chose, mais on a déjà fait des concessions dans les derniers mois et dernières années, on ne peut plus en laisser passer d’autres », a averti le vice-président de la Fédération de la relève agricole du Québec, David Beauvais, en entrevue téléphonique avec La Presse canadienne.
Un élargissement de l’accès à ces marchés aurait, selon la Fédération, des conséquences catastrophiques pour les producteurs touchés, plus particulièrement les jeunes qui sont en démarrage de production. « Plusieurs producteurs trouvent ça déjà difficile, surtout les producteurs qui viennent de démarrer, les jeunes qui budgètent avec certaines quantités de lait produit, et s’il en entre 4 ou 5 % de plus au pays, ce sont 4 ou 5 % de moins qu’ils peuvent produire et ils vont avoir du mal à y arriver et à répondre à leurs créanciers parce que [...] souvent les budgets sont serrés, sont comptés au cent près », affirme M. Beauvais.
Leur inquiétude repose notamment sur l’insistance du gouvernement Trudeau à préserver le mécanisme indépendant de règlement des différends et l’exception culturelle dans le nouvel accord. Par contre, bien que le premier ministre Trudeau ait aussi répété à maintes reprises vouloir protéger le système de gestion de l’offre, il ne s’est pas engagé pour autant à ne pas élargir l’ouverture aux produits en provenance de l’étranger. Ils craignent de voir les Américains exiger l’accès qu’ils ont perdu en se retirant du Partenariat transpacifique.
En l’absence du premier ministre Trudeau, c’est la ministre du Développement international, Marie-Claude Bibeau, qui est venue à leur rencontre. « Ce n’est pas une industrie comme les autres, quand on parle de troisième, quatrième génération de producteurs agricoles, quand on parle de la vitalité de nos régions aussi qui dépend de nos fermes familiales », a-t-elle déclaré aux médias.
« Alors, on est très au courant. Vous savez, c’est le Parti libéral qui a créé la gestion de l’offre ; on veut protéger la gestion de l’offre », a-t-elle déclaré, une formulation qui s’aligne avec celle du premier ministre Justin Trudeau et qui affirme une volonté de maintenir le système en place, mais qui ne ferme pas pour autant la porte à un élargissement des quantités de produits étrangers pouvant être importées au Canada.