Vers une bataille entre robots et travailleurs?

La nouvelle révolution technologique pourrait faire plus mal aux travailleurs qu’on ne le pense généralement et qu'on ne s'y prépare.
Le constat est pour le moins décevant en ce qui a trait à la situation actuelle et inquiétant pour l’avenir. Un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) observait, cette semaine, qu’en dépit de la bonne tenue de l’économie en général, les salaires des travailleurs tardent à s’améliorer, avec un rythme de croissance deux fois plus lent qu’avant la dernière crise.
Ce n’est pas que le nombre de personnes sans emploi soit tellement élevé. Au contraire, dans la plupart des pays riches, il est même en deçà de ce qu’il était avant la Grande Récession de 2008. Non, c’est comme si le lien entre la croissance économique et les salaires avait été brisé.
Les experts de l’OCDE attribuent cette « stagnation sans précédent des salaires » à un ensemble de facteurs. L’un d’eux est la hausse, modeste aussi, des prix. Un autre est la dégradation des conditions des travailleurs à temps partiel et de ceux qui se sont retrouvés du travail après une période de chômage. Un autre encore est l’affaiblissement du rapport de force des travailleurs avec la diminution de moitié de la présence syndicale.
Un autre facteur tient à la croissance poussive de la productivité. En plus d’être décevante, cette augmentation de richesse produite par heure travaillée atterrit souvent, constate-t-on, dans d’autres poches que celles des travailleurs. Ces retombées économiques perdues s’expliquent, pour moitié, par un phénomène désormais bien connu, c’est-à-dire leur accaparement par les plus riches, alors que l’autre moitié serait le reflet d’économies où le rôle de la main-d’oeuvre dans la création de richesse a diminué au profit des progrès technologiques et des gains réalisés grâce à la globalisation des chaînes de valeurs.
Ce recul « significatif » de l’importance relative des travailleurs dans l’économie a été en moyenne de 3,5 points de pourcentage (de 71,5 % à 68 %) en 20 ans dans les pays de l’OCDE, rapporte-t-on, mais de 4,1 points au Canada, de 7,8 points aux États-Unis et de 13 points en Corée du Sud.
Ce phénomène est vraisemblablement annonciateur de ce qui attend nos économies les prochaines années, concluait le mois dernier une étude des experts du Fonds monétaire international (FMI) sur l’impact de l’automatisation et l’intelligence artificielle.
Pire que prévu
Coiffé du titre évocateur « Doit-on craindre la révolution des robots ? La bonne réponse est oui », l’étude passe en revue les principales hypothèses sur le sujet — optimistes comme pessimistes — et en conclut qu’on aurait tort de penser que cette nouvelle révolution technologique se passera comme les autres, c’est-à-dire qu’elle n’affectera qu’un nombre relativement circonscrit de travailleurs et qu’à la fin tout le monde finira pas se retrouver des emplois mieux payés grâce aux gains de productivité réalisés.
C’est que, cette fois-ci, un très grand nombre de travailleurs sont exposés et que la transition pourrait prendre de 20 à 50 ans. L’économie sera en effet plus riche, mais cette richesse sera de plus en plus produite par des robots et profitera d’abord et avant tout à leurs propriétaires et à une petite élite de travailleurs hyperspécialisés. Les travailleurs les moins qualifiés seront de plus en plus nombreux à se battre pour des emplois mal payés.
La principale solution habituellement avancée par les experts et les gouvernements est d’améliorer l’éducation et de favoriser la formation continue des travailleurs. Mais cela n’aidera pas ceux à qui il manquera malgré tout les compétences requises et ne changera probablement rien au fait que la nouvelle richesse créée sera de plus en plus attribuable aux machines plutôt qu’aux travailleurs, dit l’étude du FMI.
Une autre solution pourrait être de faire payer aux compagnies un revenu de base universel destiné aux citoyens de ces nouvelles économies, avancent ses auteurs, qui admettent tout de suite que le projet rencontrerait de nombreux obstacles économiques et pratiques.
Quoi qu’il en soit, disent-ils de la révolution technologique en cours, « la situation semble bien, cette fois-ci, être différente ».