Revenu Québec crée son programme de récompense financière pour les dénonciateurs

Après en avoir évoqué la mise en place dans sa stratégie sur l’équité fiscale de novembre 2017, Revenu Québec va de l’avant avec la création d’un régime qui permettra d’offrir une récompense financière aux personnes qui lui fourniront des informations pertinentes sur des combines d’évitement fiscal.
Pour avoir une chance d’y toucher, la personne qui dénonce devra avoir aidé le fisc à mettre la main sur plus de 100 000 $, après quoi Revenu Québec s’assoira avec elle pour déterminer une somme qui pourrait atteindre 15 % du montant.
De la sorte, le Québec veut agir de façon complémentaire à ce que Revenu Canada fait depuis un certain temps avec les récompenses offertes pour ceux qui dénoncent des stratégies d’évitement fiscal à l’étranger.
D’autres pays offrent aussi d’indemniser les lanceurs d’alerte en matière d’impôt, dont les États-Unis, l’Inde et le Royaume-Uni.
« Nous croyons que le fait de rémunérer, d’inciter les gens à partager des informations peut amener des résultats intéressants, de ce qu’on a constaté ailleurs dans le monde », a dit en entrevue un porte-parole de Revenu Québec, Stéphane Dion.
La mesure québécoise, dont le titre officiel est « Programme de rémunération des dénonciateurs d’opérations visées par la règle générale anti-évitement ou constituant un trompe-l’oeil », vise à indemniser les dénonciateurs pour le coût « personnel, social ou professionnel » que leurs gestes peuvent entraîner.
Selon le ministre des Finances, Carlos Leitão, « offrir une rémunération, dans un cadre bien structuré, peut être un incitatif efficace pour encourager les personnes qui détiennent des informations pertinentes à les transmettre à Revenu Québec ». Le fisc pourra ainsi accélérer la détection de combines d’évitement fiscal, a-t-il souligné.
Qualité des renseignements
La somme servant de base au calcul de la récompense financière sera celle de l’argent récupéré seulement, ce qui n’inclut pas les amendes. Les critères d’évaluation portent notamment sur la qualité de l’information fournie par les dénonciateurs et leur degré de coopération.
De plus, « la rémunération sera versée seulement à la suite de la récupération des droits en cause et après l’expiration de tous les délais d’opposition et d’appel du ou des contribuables visés », signale Revenu Québec dans ses règlements. « Lorsque les gens vont nous transmettre de l’information, il ne faut pas s’attendre à recevoir un chèque la semaine suivante. Les montants vont être versés lorsque les dossiers seront complétés », a dit le porte-parole de Revenu Québec, Stéphane Dion.
Le programme mis en place est plus ciblé que le programme général qui existe déjà et qui ne comporte aucune rémunération.
L’annonce du nouveau programme survient deux ans après la mise en place d’un programme de dénonciation par l’Autorité des marchés financiers (AMF), dont le rôle est d’encadrer l’industrie et de protéger les investisseurs. L’AMF, cependant, a choisi de ne pas offrir de rémunération, car le plus important demeure la protection de la personne et le maintien de sa confidentialité.
Entre les mois de juin 2016 et d’août 2017, l’AMF a reçu 68 dénonciations, a indiqué l’agence réglementaire en novembre dernier. Interrogé lors d’une rencontre avec des journalistes à savoir si l’absence de rémunération avait freiné le flot de dénonciations, le directeur général du contrôle des marchés, Jean-François Fortin, avait dit : « Je ne peux pas le vérifier, mais on ne pense pas. »
M. Dion a dit que les programmes de Revenu Québec et de l’AMF sont différents, car le programme de dénonciations faites auprès de Revenu Québec « rapporte de l’argent ».
Aux États-Unis, le programme de lanceurs d’alerte créé pour le fisc en 2006 offre une récompense pouvant atteindre 30 % de l’argent récupéré en taxes et en amendes.