Bilan entouré de questions pour le nouveau régime volontaire d’épargne-retraite

Québec dresse un bilan généralement positif de son nouveau régime volontaire d’épargne-retraite (RVER), en dépit de ses résultats apparemment modestes, parce qu’il aurait encouragé notamment de nombreuses entreprises visées à offrir à leurs employés d’autres formes de régimes collectifs d’épargne. On admet cependant ne pas avoir encore toutes les données nécessaires pour brosser un portrait d’ensemble complet.
Un peu moins de 80 000 travailleurs et de 11 000 entreprises participent actuellement au RVER, selon le dernier décompte réalisé par Retraite Québec à la fin du mois de mars, pour des actifs totaux de 75 millions. C’est moins de la moitié des 24 000 entreprises de 10 employés et plus qui étaient visées, selon le ministère des Finances, et bien plus loin encore des 66 000 entreprises et leur million de travailleurs gagnant au moins 20 000 $ par année que des documents officiels disaient vouloir rejoindre avant le lancement du programme en 2014.
Ces résultats peuvent apparaître décevants au premier regard, a-t-on admis vendredi au Devoir au cabinet du ministre des Finances, Carlos Leitão. Mais c’est tout de même 80 000 travailleurs qui n’avaient accès à aucun système collectif d’épargne en vue de leur retraite et qui voient désormais leurs employeurs prélever automatiquement un montant sur chacune de leur paye en vue de leurs vieux jours.
Mais plus important encore, l’obligation pour les entreprises visées d’offrir à leurs employés, à défaut d’un RVER, n’importe quel autre système collectif d’épargne-retraite semble avoir entraîné la mise sur pied, dans plusieurs milliers d’autres entreprises, de nouvelles caisses de retraite, de système à cotisation déterminée à un régime enregistré d’épargne-retraite (REER), ou à d’autres systèmes. Retraite Québec estime ainsi qu’un total de plus de 800 000 travailleurs (dont les 80 000 participants au RVER) se sont vu offrir de tels systèmes depuis 2016 alors qu’ils n’en bénéficiaient pas auparavant. Le principal succès du RVER ne se mesurait donc pas au nombre d’entreprises et de travailleurs inscrits directement au programme, avance le cabinet Leitão, mais à l’explosion de politiques de retraite qu’il a induite dans les entreprises.
Modèle québécois
Le RVER ne doit pas être confondu avec la récente réforme visant à bonifier le Régime de rentes du Québec (RRQ). Créé en réponse à une initiative similaire du gouvernement fédéral, il oblige les entreprises à offrir à leurs employés une forme ou une autre de système collectif d’épargne-retraite, mais pas nécessairement à y contribuer elles-mêmes. Le taux de cotisation pour les employés a d’abord été fixé à 2 % de leur salaire, avant de passer à 3 % cette année et sera de 4 % à compter de l’an prochain. Inscrits automatiquement, les employés peuvent demander d’en être exclus. Leurs contributions peuvent être investies dans différents produits de placement administrés par une dizaine de grandes institutions financières agréées et dont les frais de gestion sont plafonnés à un niveau un peu plus bas que ce que le marché offre généralement.
D’abord volontaire, le programme est devenu obligatoire en 2017 pour les entreprises de 20 employés et plus, puis en 2018 pour celles de 10 employés et plus. Le RVER deviendra éventuellement obligatoire aussi pour les entreprises de 5 employés et plus, mais Québec souhaite auparavant en brosser un premier bilan complet. Responsable de la supervision du programme, Retraite Québec a indiqué au Devoir, dimanche, avoir déjà entamé la collecte des données nécessaires et espérer être en mesure de brosser un portrait d’ensemble plus précis « d’ici un an ».
Le bilan que Québec dresse pour le moment du RVER reste souvent au conditionnel et est entouré de nombreuses questions sans réponse. Cette situation est un bon exemple du brouillard dans lequel baignent trop souvent les questions de retraite au Canada et au Québec, a déploré en entrevue au Devoir mercredi Bernard Morency, professeur et membre associé à l’Institut sur la retraite et l’épargne de HEC Montréal. Ce brouillard tient, selon lui, notamment à l’évolution rapide de la réalité, mais aussi, et peut-être surtout, à la compartimentation de l’information entre des acteurs qui ne se parlent pas.
Ce problème de vase clos est particulièrement exaspérant dans le cas d’un nouveau programme comme celui du RVER, dit l’ancien haut dirigeant de la Caisse de dépôt et placement du Québec. « Comme on partait de zéro, il aurait été tellement simple de mettre en place dès le départ des mécanismes de collecte et de partage des données. »