Airbus prend ses quartiers

Des hauts dirigeants d’Airbus rencontraient les médias mercredi, jour de l’annonce des éléments constituant l’équipe devant piloter le programme CSeries. On sent que la tempête est derrière Bombardier.
La multinationale québécoise dévoile jeudi ses résultats trimestriels, jour d’assemblée générale des actionnaires. Une assemblée qui s’annonce plus cordiale, moins houleuse que celle de l’année dernière, qui a vu Pierre Beaudoin rétrograder au poste de président du conseil non exécutif sous la pression des actionnaires institutionnels. On a encore en mémoire la hausse de près de 50 % de la rémunération globale des hauts dirigeants de Bombardier, accueillie dans la réprobation générale tellement elle se voulait provocante et inappropriée dans les circonstances prévalant alors.
Aujourd’hui, un an plus tard, Laurent Beaudoin ne se représentera pas au conseil de l’entreprise. Et la Caisse de dépôt dira oui à la direction de Bombardier dans le cadre du vote consultatif sur la rémunération des dirigeants. « La Caisse appuie le programme de rémunération global des dirigeants compte tenu de l’avancement du plan de redressement, des améliorations apportées notamment sur les composantes de rémunération à long terme et des changements effectués au poste de président exécutif du conseil », précise l’institution. Devant la Commission des finances publiques mardi, les dirigeants de la Caisse se disaient satisfaits du travail accompli chez Bombardier cette année.
Faits marquants
Évidemment, 2017 a été l’année des avions d’affaires, avec les efforts visant à mettre la dernière touche à l’avion d’affaires Global 7000 en prévision d’une mise en service vers la mi-2018. Et celle de la victoire de Bombardier contre le géant américain Boeing et sa plainte déposée au département américain du Commerce. La « vente à 0 $» de la CSeries à Airbus reste toutefois le fait marquant de l’exercice.
Aujourd’hui, avec le recul, on peut mieux accepter l’idée que l’arrivée de l’européen aux commandes du programme a permis d’éviter à Bombardier un cuisant échec commercial dans l’aéronautique. On peut également mieux comprendre la portée des transactions — avec la Caisse dans la division Transport, avec le gouvernement du Québec dans la CSeries — permettant d’isoler les principales composantes de la multinationale québécoise, qui avait déjà frôlé la faillite en 2015.
Airbus apporte sa force de vente, son expertise en matière d’approvisionnement et sa présence industrielle mondiale. Elle place la CSeries au sein d’une famille d’appareils élargie, sous l’aile d’un acteur capable de rivaliser avec un Boeing confirmant qu’il reluque le marché de Bombardier, ne serait-ce que par sa manifestation d’intérêt envers Embraer. La solution de rechange aurait été une hypothétique alliance avec un partenaire chinois n’ayant d’intérêt que pour les brevets et l’expertise technologique de Bombardier.
Dans leur rencontre avec les médias mercredi, les dirigeants d’Airbus ont voulu se faire rassurants. Dans leur message destiné aux fournisseurs, qui se font demander une baisse de prix en retour d’un volume et d’un potentiel commercial accrus. Dans celui destiné aux employés, qui associe les gains de productivité attendus à une production à grande échelle.
Lors de l’annonce, en octobre dernier, d’une cession à Airbus d’une participation de 50,01 % dans Société en commandite Avions CSeries, il a été écrit que soit le milliard initial de Québec ne vaut plus sur papier que 380 millions $US, soit que l’arrivée d’Airbus à la tête de l’entreprise accorde une valeur de 5,3 milliards à l’exploitant du programme. À Québec, on disait alors accepter la dilution, conscient et convaincu de la contribution d’Airbus. D’autant qu’il ne disposait pas de ce type d’appareil dans sa gamme.
Pour reprendre les propos de Michael Sabia, président de la Caisse, « compte tenu de l’importance du dossier, c’est une transaction raisonnable ».