Colis venant de l'étranger: les façons de percevoir la TVQ ne sont pas nombreuses

Seulement 10 % des colis sont interceptés pour la perception de la TVQ.
Photo: Chris Young La Presse canadienne Seulement 10 % des colis sont interceptés pour la perception de la TVQ.

Au lieu de se concentrer sur les efforts douaniers, faudrait-il plutôt demander aux sociétés de services financiers de percevoir la TVQ sur les biens achetés auprès de fournisseurs étrangers ? Cette idée comporte son propre lot de problèmes, selon des experts en fiscalité.

Devant la popularité grandissante du commerce en ligne et l’insuffisance actuelle des moyens pour récolter la taxe de vente, Québec a récemment annoncé un projet-pilote avec l’Agence des services frontaliers du Canada afin d’améliorer la capacité du traitement au centre de tri de Postes Canada à Montréal.

« Est-ce que le système est parfait ? Vraiment pas. Mais je ne suis pas sûr qu’une façon de faire différente puisse être implantée à ce stade-ci », a dit en entrevue Mario Seyer, associé responsable des services en taxes à la consommation chez PwC.

Puisque seulement 10 % des colis sont interceptés pour la perception de la TVQ, Québec perd environ 158 millions, selon le budget du ministre Carlos Leitão déposé le 27 mars. Le Conseil québécois du commerce de détail, tout en saluant le désir de Québec de promouvoir l’équité fiscale, a estimé qu’il fallait plutôt envisager l’imposition de la TVQ au moment de la transaction.

Plusieurs entités

 

Si l’on demandait à une autre entité de percevoir la taxe, par exemple une banque ou une société de carte de crédit, les choses pourraient se compliquer, selon M. Seyer. « Il n’y a pas que Visa, par exemple, qui soit concernée. Il y a d’autres intermédiaires dans la série de transactions. Si on voulait imposer ce fardeau à un intermédiaire, il faudrait d’abord savoir lequel. Ensuite, a-t-il les informations requises pour appliquer les taxes correctement ? »

Aux yeux de M. Seyer, « déplacer l’obligation de perception d’une personne dont le rôle a historiquement été strictement financier pour amener ça à un contrôle fiscal, ce n’est pas facile ni évident ».

Il a été impossible d’obtenir l’avis de l’Association des banquiers canadiens.

D’autres experts ont indiqué au Devoir depuis le budget que le système de perception actuel — à travers les services douaniers et la société qui s’occupe de l’importation du colis — reste pour l’instant la meilleure option. Quand Québec a fait l’annonce du projet-pilote avec les services frontaliers et Postes Canada, il a mentionné qu’il suivait alors les lignes directrices générales de l’OCDE, qui se penche sur la question depuis des années.

Une autre façon consisterait à conclure une entente avec des fournisseurs étrangers — un peu comme ce que Québec a fait avec Airbnb —, mais cela entraînerait un autre lot de problèmes, selon Allison Christians, titulaire de la Chaire H. Heward Stikeman en droit fiscal à l’Université McGill. « Si vous faites ça, ensuite il faut une entente avec tous les fournisseurs étrangers qui vendent des biens chez vous. Si vous le faites avec Amazon, c’est bien, mais il faudra le faire entreprise par entreprise », a-t-elle dit. Hormis l’idée de concentrer les efforts sur la douane, « je ne vois pas vraiment d’autres bonnes méthodes », dit-elle. Cela dit, elle trouverait quand même pertinent que Québec entame un dialogue avec Amazon.

Si les produits « incorporels » et les services sont l’affaire d’une poignée de gros joueurs, a affirmé Québec la semaine dernière, la vente de biens physiques « implique de nombreux commerces de toutes tailles dans un grand nombre de pays ».

Et si l’on se tournait vers les intermédiaires de paiement, dit Mme Christians, l’entièreté de l’information ne serait peut-être pas accessible. Il faudrait soit leur dire de percevoir tout le temps, soit leur donner des instructions très précises. « Les banques n’ont probablement pas le goût de s’occuper de ça. » Et n’ont peut-être pas le goût, ajoute-t-elle, de voir des clients affirmer qu’ils ne se trouvaient pas dans la province au moment de faire l’achat.

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