De l'eau au moulin des défusionnistes - Montréal fusionné se dirigerait vers un fiasco économique

Le Montréal fusionné pourrait, à long terme, nuire à la croissance économique de la métropole, selon une étude présentée hier par le Groupe d'analyse (GA), firme embauchée par L'Association des élu(e)s pour la défusion. Deux membres de cet organisme, Peter Trent, ex-maire de Westmount, et Bernard Paquet, ex-maire de Saint-Laurent, l'ont présentée hier aux médias, en compagnie des économistes qui l'ont effectuée.
Selon eux, la «mégaville» de Montréal, comme ils se plaisent à l'appeler, a et aura de plus en plus de nombreuses nouvelles dépenses à effectuer, en raison de sa taille, que M. Trent a qualifiée «d'obèse». Cela entraînera des hausses de taxes et finira par affecter négativement la valeur des propriétés et, en bout de course, nuira à la croissance économique. Le GA envisage des pertes d'activité économique pouvant osciller entre 1,3 milliard et 2,1 milliards de dollars par an.Plusieurs des conclusions de l'étude, dirigée par Patrick Petit, du bureau montréalais du Groupe d'analyse, firme de consultant américaine, recoupent celles évoquées par l'économiste bien connu Pierre Fortin, le mois dernier, dans le magazine L'Actualité. M. Fortin n'a pas contribué à cette étude, n'est pas membre de GA, mais il a un bureau dans ses locaux et en est un «universitaire affilié».
Selon cette perspective très critique des fusions, l'argument comptable avancé par la ministre péquiste des affaires municipales, Louise Harel, à l'époque, ne tient pas la route. Les «regroupements municipaux» ne permettront selon eux aucune des économies promises, par exemple, dans le Livre blanc d'avril 2000. On y parlait d'élimination «de duplications»; de la création de villes «plus efficaces» offrant plus facilement «des services de qualité». Au contraire, dit le GA (tout comme M. Fortin), la fusion a un effet de «nivellement par le haut» des salaires des employés et des cadres. «En matière de richesse foncière, la perte économique pourrait s'évaluer jusqu'à 3,7 milliards de dollars. Si la "mégaville" continue de permettre des hausses inflationnistes des salaires et des traitements, l'impact économique pourrait être pire», disent les économistes.
L'étude a été produite en deux mois, à la demande de Défusion Westmount, par M. Petit, avec le concours de Marc VanAudenrode, professeur a l'Université Laval et vice-président de Groupe d'analyse, ainsi que Pierre-Yves Crémieux et Philip Merrigan, professeurs a l'UQAM. Ils se sont concentrés sur l'île de Montréal, mais estiment que «les mêmes logiques sont à l'oeuvre partout pour ce qui est des fusions municipales». Selon leurs données, recueillies dans plusieurs exemples de fusion à travers les États-Unis, le Canada et l'Europe (il cite notamment un cas suédois), les regroupements municipaux peuvent entraîner des économies d'échelle, mais uniquement dans les villes de moins de 10 000 habitants. Quand elles impliquent des entités de plus de 50 000 habitants, les économies sont rares, voire impossibles.
Par ailleurs, le Groupe d'analyse estime faire oeuvre utile avec son étude, puisque selon lui, les études d'impacts sur la défusion, que le ministre des Affaires municipales rendra publiques sous peu, ne seront que «des exercices comptables» qui ne traitent que des effets financiers à court terme des défusions et non de «leur impact économique a long terme».
Le GA estime que la défusion pourrait avoir de bons effets, mais ne pourrait permettre d'éviter l'ensemble des coûts lié à la création de la «mégaville». En vertu de la loi 9, votée en décembre, les défusions pourraient empêcher les chutes de valeur des propriétés. Par exemple, la défusion pourrait se traduire, selon GA, par une augmentation de la valeur marchande de 2000 $ d'une propriété de type unifamiliale. «Cette étude montre les avantages économiques qu'offre la réduction de la taille de la "mégaville" par les défusions», a souligné M. Trent.
Scepticisme
M. Alan DeSousa, Membre du comité exécutif de la ville de Montréal, responsable du développement durable, a déclaré hier après-midi que l'étude de GA n'apportait rien de neuf au débat et était basée sur de vielles données. Il a qualifié d'absurde les propos de GA sur la baisse de la valeur des propriétés, lançant: «Demandez aux gens qui habitent sur l'île si la valeur de leur propriété a décru, depuis deux ans.» Quant à M. Benoît Labonté, président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) et de Coalition Montréal, un organisme opposé aux défusions, il rappelle que son organisme n'a jamais mis l'accent sur l'argument des économies d'échelle. «Nous sommes contre les défusions parce que nous voulons conserver une cohérence métropolitaine», a-t-il dit au Devoir.