Air Canada: le responsable de la restructuration démissionne
Robert Milton perd son bras droit. Calin Rovinescu, numéro deux d'Air Canada et responsable de la restructuration du transporteur, a annoncé sa démission hier. Ce départ sans explication, qui survient moins d'une semaine après le recul de Victor Li, a immédiatement été applaudi par le syndicat des pilotes, qui espère que, par ce geste, la transparence va revenir dans le processus en cours.
M. Rovinescu demeure à la disposition d'Air Canada pendant quelques semaines, question d'assurer une transition harmonieuse. Ses responsabilités seront réparties entre les membres de la haute direction alors qu'on invite le contrôleur au dossier de la restructuration, Ernst & Young, à jouer un rôle accru dans le processus.Boni de rétention
Sans parler d'applaudissements, Jean-Marc Bélanger, porte-parole montréalais de l'Association des pilotes d'Air Canada, a précisé hier qu'«on avait des problèmes» avec la façon de faire de M. Rovinescu. On a rappelé que le choix du nouvel investisseur a été un échec, avec un Victor Li annonçant vendredi dernier son recul dans le dossier. Surtout, «le premier processus de choix de l'investisseur s'est fait sans transparence», a-t-il ajouté, pointant en direction du boni de rétention de quelque 20 millions consenti par l'acquéreur éventuel tant à M. Rovinescu qu'au président et chef de la direction, Robert Milton, et ce, alors que d'importantes concessions étaient attendues de toutes les autres parties. «Nous n'avons pas été les seuls à dénoncer ce boni. Tous les syndicats l'ont fait. Même le milieu des affaires ne s'est pas caché pour dénoncer cela.»
M. Bélanger va-t-il jusqu'à suggérer à M. Milton de renoncer à une telle pratique? «Il est trop tôt. Cela va dépendre du choix de l'investisseur, qu'il soit M. Li ou un autre investisseur. Mais nous nous réjouissons de voir le contrôleur être appelé à jouer un rôle plus important dans le processus de restructuration. On peut espérer plus de transparence. Nous sommes partie prenante au processus et nous aussi voulons un investisseur qui ait à coeur le succès de l'entreprise, qui sera là pour le long terme et non pour démanteler l'entreprise.»
Recruté chez Stikeman, Elliott, Calin Rovinescu est entré au service d'Air Canada en avril 2000 à titre de vice-président général à la croissance et à la stratégie de l'entreprise. Il avait été recruté par Robert Milton après qu'il eut servi à titre de conseiller spécial lors de cette offre d'achat hostile déposée en 1999 par le tandem Onex-Americain Airlines. Jouant un rôle de façade dans cette manoeuvre visant à mettre la main sur Canadien et sur Air Canada, le président d'Onex, Gerald Schwartz, avait l'appui de ses alliés libéraux à Ottawa. Il a été mis en échec par une décision de la Cour supérieure du Québec statuant que son offre était illégale.
Calin Rovinescu a été un des grands artisans de cette mise en échec, qui a tout de même conduit à la fusion forcée entre Air Canada et Canadien. On lui reconnaissait une réputation d'excellence à titre d'avocat spécialisé en fusions et acquisitions. Bon technicien, bon tacticien et également bon conseiller, il a piloté le dossier de la restructuration de main de maître mais sans inspirer les troupes, sans rallier les intervenants, allant même jusqu'à braquer les parties, à les opposer entre elles. «Nous sommes désappointés de plusieurs aspects du processus de restructuration à ce jour, a commenté le président du syndicat des pilotes, Don Johnson. Plusieurs décisions ont été prises derrière des portes closes. Les seules fois où on nous consultait, c'était lorsque la compagnie demandait des concessions.»
D'autre part, quelque 600 employés d'Air Canada qui manifestaient à Montréal hier ont eu droit aux mots d'encouragement d'un orateur qui n'avait pas été invité: Robert Milton. Alors que le rassemblement tirait à sa fin, à l'heure du dîner, M. Milton s'est approché du microphone pour dire aux travailleurs qu'Air Canada a besoin d'un investisseur disposé à s'engager à long terme.
Pour reprendre les propos recueillis par la Presse canadienne: «Nous voulons quelqu'un qui s'intéresse à notre avenir à long terme», a lancé M. Milton.