La Fed remonte encore ses taux d’intérêt

La Réserve fédérale américaine a encore relevé ses taux d’intérêt en tenant notamment compte de la « modeste » stimulation économique apportée par les importantes baisses d’impôt du gouvernement Trump.
Comme tout le monde s’y attendait sur les marchés, la banque centrale américaine a augmenté mercredi son taux directeur d’un quart de point de pourcentage pour l’établir dans la mince fourchette de 1,25 % à 1,50 %. Cette troisième hausse cette année découle de la belle vigueur de l’économie et de l’emploi qui tarde encore cependant à entraîner dans leur élan les prix et les salaires. « La croissance est un peu plus forte. Le taux de chômage est un peu plus faible et l’inflation est inchangée », a résumé la présidente sortante de la Fed, Janet Yellen, en conférence de presse.
Les membres du Comité monétaire de la Fed (FOMC) en ont profité pour réviser à la hausse certaines de leurs projections pour les prochaines années. La médiane de leurs prévisions table désormais sur une croissance économique non plus de 2,1 % l’année prochaine, comme on le pensait encore au mois de septembre, mais de 2,5 %. Ils ont également légèrement revu à la hausse leurs prévisions de croissance pour cette année (2,5 % plutôt que 2,4 %), pour 2019 (2,1 % plutôt que 2 %) et pour 2020 (2 % plutôt que 1,8 %). Les prévisions pour le taux de chômage ont aussi été corrigées à la baisse, de 4,3 % à 4,1 % cette année, de 4,1 % à 3,9 % en 2018 et en 2019 et de 4,2 % à 4 % en 2020. Quant à l’inflation de référence, les projections restent les mêmes, c’est-à-dire en dessous de la cible de la Fed de 2 % au moins jusqu’en 2019, à raison d’un taux de 1,5 % cette année, de 1,9 % l’année prochaine et de 2 % par la suite.
Les baisses d’impôt de Trump
Ces prévisions, a indiqué Janet Yellen, intègrent « dans l’ensemble » l’ambitieux projet de réduction d’impôt des entreprises et des particuliers en cours d’adoption au Congrès américain. En dépit de leur envergure, estimée à 1400 milliards sur dix ans, ces baisses d’impôt devraient tout au plus avoir un impact « modeste » en tant que « facteur soutenant une croissance un peu plus forte ».
Engagé à fond dans le dernier sprint visant à lui donner et à donner à la majorité républicaine au moins une victoire importante cette année au Congrès, le président américain, Donald Trump, a réitéré mercredi sa conviction que sa réforme fiscale pouvait générer une croissance économique supérieure à 3 % par année. La Fed accueillerait une telle performance « avec bienveillance », a répondu Janet Yellen, mais « ce sera un défi d’atteindre un tel résultat ». En fait, a-t-elle noté, il faut bien admettre qu’une « incertitude considérable » entoure l’impact éventuel de ces baisses d’impôt qui pourraient alourdir la dette fédérale d’au moins 1000 milliards et qui profiteraient, selon leurs critiques, principalement aux entreprises et aux plus riches. Si une augmentation des salaires devait enfin venir, a-t-elle expliqué, elle découlerait bien plus du faible taux de chômage que de baisses d’impôt.
Marchés boursiers euphoriques
La révision à la hausse des prévisions de croissance de la Fed et l’annonce de la conclusion d’une entente entre les deux chambres du Congrès américain sur les baisses d’impôt ont propulsé les marchés boursiers américains vers de nouveaux sommets. L’euphorie des derniers mois de Wall Street ne constitue pas pour l’instant, aux yeux de Janet Yellen, « un signal d’alarme ». « Ces valorisations sont hautes, mais cela ne signifie pas qu’elles sont surévaluées », a-t-elle indiqué. « Quand on regarde les indicateurs de risque pour la stabilité financière, rien n’affiche rouge, ni même orange. »
La présidente de la Fed ne se montre pas préoccupée non plus par l’envolée du bitcoin. La cryptomonnaie pose des « risques limités », a-t-elle estimé, notamment parce que « le bitcoin joue pour le moment un rôle mineur dans le système de paiement. Ce n’est pas une source de valeur refuge stable et il ne constitue pas une devise officielle ».
Derniers tours de piste de Yellen
Après avoir longtemps gardé son taux directeur à son plancher absolu de 0 % dans ses efforts de relance de l’économie dans la foulée de la Grande Récession de 2008-2009, la Fed a commencé sa lente remontée il y a deux ans seulement. La hausse de mercredi, comme celle des mois de mars et de juin cette année, n’a pas fait l’unanimité des membres du FOMC. Le représentant de la Fed de Minneapolis, Neel Kashkari, un dissident fréquent, de même que son confrère de la Fed de Chicago, Charles Evans, auraient voulu qu’on laisse les taux d’intérêt inchangés.
À en croire les prévisions des membres du FOMC, cette nouvelle hausse du taux directeur devrait se poursuivre avec trois autres d’un quart de point de pourcentage l’année prochaine, puis encore par deux autres, en 2019 et en 2020. La banque centrale américaine a aussi commencé en octobre à réduire très graduellement le portefeuille de 4500 milliards de dollars d’actifs accumulés au fil de ses programmes d’injection de liquidités durant les années noires de la crise.
Ces futures décisions se prendront toutefois sans Janet Yellen. Rompant avec la tradition voulant qu’un président de la Réserve fédérale américaine ait droit à au moins deux mandats, Donald Trump a d’ores et déjà annoncé que la première femme à occuper ce poste devra le céder en février à Jerome Powell, un républicain modéré dont la confirmation par le Congrès semble bien engagée.