Les monnaies virtuelles vont composer le paysage monétaire

La flambée du bitcoin défie l’imaginaire. Derrière l’évidence d’une bulle spéculative se cache toutefois une reconnaissance d’un éventuel rôle des cryptomonnaies dans le paysage monétaire officiel. Au FMI, on entrevoit même les germes d’une dollarisation 2.0.
Emblème phare des monnaies virtuelles, le bitcoin retient d’autant plus l’attention que son cours a été multiplié par dix cette année. Et certains s’attendent à une multiplication additionnelle par quatre l’an prochain — d’autres le voient toucher les 50 000 à 100 000 $US — selon un parcours en dents de scie truffé de krachs et de corrections. Ce marché valorisé à 300 milliards de dollars, occupé à moitié par le bitcoin, souffre présentement d’un manque de profondeur, de liquidité et d’efficience. Il est trop ouvert à la fraude et aux manipulations d’une poignée d’émetteurs privés. Mais il ne cesse de gagner en crédibilité, voire en acceptabilité.
L’appui le plus fort est venu de la Bourse de Chicago, qui prévoit de lancer un contrat à terme sur le bitcoin. L’annonce a été faite à la fin d’octobre. Le bitcoin a bondi de 67 % depuis, effaçant la rebuffade chinoise bannissant en septembre les échanges de monnaies virtuelles sur ses plateformes. Des fonds spéculatifs misant sur ces monnaies naissent ici et là. Les banques d’affaires Goldman Sachs et JP Morgan envisagent de s’ouvrir à la spéculation sur ces monnaies pour le compte de leurs clients.
Christine Lagarde
Pour Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international, il ne fait plus de doute que les monnaies virtuelles vont composer le paysage monétaire, et ce, plus tôt que tard. L’avertissement a été fait auprès des banques centrales. « Les monnaies virtuelles telles que le bitcoin ne présentent actuellement peu ou pas de danger pour le régime existant de monnaies fiduciaires et de banques centrales. Elles sont en effet trop volatiles, trop risquées, trop compliquées à utiliser, et les technologies sous-jacentes ne peuvent pas encore être déployées à grande échelle. Un grand nombre d’entre elles sont trop obscures pour les autorités de réglementation, et plusieurs ont déjà été piratées », a-t-elle déclaré il y a un mois lors d’une conférence à la Banque d’Angleterre.
Mais ces défis ne sont que de nature technologique. « Elles [ces monnaies] pourraient par exemple être émises à parité avec le dollar ou rattachées à un panier stable de devises. Leur émission pourrait être totalement transparente et régie par une règle crédible et prédéterminée, un algorithme qui peut être surveillé… ou même par une « règle intelligente » qui pourrait s’adapter à l’évolution de la conjoncture macroéconomique. »
Certains voient déjà ces monnaies dans un rôle alternatif au dollar américain comme valeur refuge. Ils ont même associé le bond de mercredi du bitcoin au-dessus des 11 000 $US au dernier tir de missile nord-coréen. D’autres, et le FMI est du nombre, évoquent une solution pour les pays émergents souffrant d’une devise faible et volatile, plus souple et moins coûteuse que la classique dollarisation, avec, sous-entendu, une soumission au diktat de la Réserve fédérale américaine.
« Comme vous le voyez, il se pourrait bien que les monnaies virtuelles donnent le change aux monnaies existantes et à la politique monétaire », a ajouté Mme Lagarde.