Les investisseurs vulnérables doivent être mieux protégés au Canada

La maltraitance «matérielle ou financière» constitue le tiers des cas rapportés à la ligne Abus Aide Aînés.
Photo: Kirby Hamilton Getty Images La maltraitance «matérielle ou financière» constitue le tiers des cas rapportés à la ligne Abus Aide Aînés.

Les investisseurs vulnérables, dont les personnes âgées, doivent être mieux protégés contre l’exploitation financière, car les cas d’abus et de perte cognitive augmentent, affirment les auteures d’un rapport qui suggère à l’industrie et aux autorités de se pencher véritablement sur cet enjeu.

En plus de soumettre des recommandations pour améliorer la protection de ces investisseurs et permettre le signalement de situations problématiques, le rapport de FAIR Canada et du Canadian Centre for Elder Law (CCEL) se demande s’il ne faudrait pas également créer une agence pancanadienne de protection des adultes.

Il n’est pas facile de détecter adéquatement les situations qui méritent un signalement, souligne le rapport. En plus, les représentants de l’industrie qui sont en contact direct avec les épargnants sont pris entre l’obligation de confidentialité et les conséquences légales de déroger à leur mandat.

Selon Marian Passmore, une des coauteures de FAIR, les organismes consultés, notamment les firmes de placement et autres groupes de l’industrie, appuient les recommandations. « C’est rare. Ce n’est pas quelque chose que certains secteurs contestaient. L’accord et le consensus sont larges,a-t-elle dit en entrevue. Je pense que les sociétés doivent composer avec cet enjeu chacune de leur côté. »

Selon une étude de 2015 citée dans le rapport, un peu plus de 5 % des personnes âgées avaient alors été victimes d’exploitation financière. Cela ne comprenait pas les cas de perte d’autonomie.

Parmi les recommandations du rapport, on suggère :

que les firmes fassent un « effort raisonnable » pour obtenir le nom d’une personne-contact de confiance pour chaque client, laquelle pourrait être avisée en cas de soupçon d’abus ou de perte cognitive, « tant que cette personne n’est pas elle-même soupçonnée d’abus » ;

qu’une société puisse suspendre les transactions et retraits en cas de soupçon d’abus ou lorsque le client « a perdu la capacité de donner des instructions » ;

qu’une sorte de « havre juridique » soit offert aux fournisseurs de services qui transmettent un signalement ;

que les sociétés forment mieux leur personnel pour le sensibiliser aux réalités de l’exploitation financière, de l’âgisme et des pertes cognitives.

Le rapport survient cinq mois après la publication d’un nouveau plan d’action de Québec pour lutter contre la maltraitance envers les personnes âgées. La maltraitance « matérielle ou financière » constitue le tiers des cas rapportés à la ligne Abus Aide Aînés, avait indiqué le document du plan d’action.

« On en entend parler plus, car les gens vieillissent et l’espérance de vie s’allonge », a dit Jocelyne Houle-Lesarge, p.-d.g. de l’Institut québécois de planification financière. « Il y a plus de possibilités, ou de malchances je dirais, qu’une situation comme ça se produise. » Les planificateurs financiers sont liés par un engagement de confidentialité avec leurs clients, a-t-elle rappelé. « C’est dans le code d’éthique. On doit aussi placer l’intérêt du client avant les siens, au-dessus de tout. Si on s’aperçoit de quelque chose, à qui on le dénonce ? Et là on brise l’obligation de confidentialité. »

Travaux de l’AMF

« On va en prendre connaissance et lire ça avec beaucoup d’intérêt », a dit le porte-parole de l’Autorité des marchés financiers du Québec, Sylvain Théberge. L’AMF travaille présentement à un « guide de bonnes pratiques » qui devrait être publié en 2018. Ce guide sera destiné aux sociétés de l’industrie des services financiers. « On s’est aussi engagé à faire de la formation pour l’industrie et à produire un aide-mémoire pour l’aider à détecter les situations de maltraitance. »

Cet aide-mémoire ne s’adressera pas seulement à l’industrie, mais concernera aussi les proches. « Quelqu’un qui, par exemple, pourrait avoir une procuration pour le compte de placement de la personne vulnérable. On sait que, depuis un certain nombre d’années, il y a malheureusement de l’abus et de la maltraitance à ce chapitre », a dit M. Théberge.

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