Le FMI met en garde contre l’endettement des ménages

L’augmentation de l’endettement des ménages peut stimuler l’économie à court terme, mais elle finit surtout, au bout de quelques années, par plomber la croissance et l’emploi en plus d’aggraver les risques de crise financière, prévient une étude du Fonds monétaire international. Or l’endettement des ménages a globalement continué de croître dans le monde depuis la terrible crise financière de 2008, particulièrement au Canada.
« Au début, le [produit intérieur brut] réagit positivement aux augmentations de l’endettement des ménages, en même temps que la consommation, l’emploi, les prix de l’immobilier et la valeur des actions des banques », constatent les experts du FMI dans un chapitre d’analyse de son prochain Rapport sur la stabilité financière dans le monde dévoilé mardi. « Cependant, après un an ou deux, la dynamique entre l’endettement, le PIB, l’emploi, l’immobilier et les banques se renverse de façon négative. »
Dans une étude qualifiée de plus détaillée à ce jour sur le sujet et basée sur l’analyse de 80 pays, ces experts estiment, par exemple, qu’en moyenne une hausse de 5 % du poids total de la dette des ménages dans l’économie d’un pays réduira sa croissance de 1,25 % sur trois ans.
D’aucuns auront retenu que la dernière crise financière mondiale avait été une percutante démonstration de ce phénomène et que cela avait au moins amené un mouvement de désendettement dans les économies où il avait causé le plus de dommages, comme les États-Unis, le Royaume-Uni et d’autres pays d’Europe. « Ce mouvement de désendettement a bien eu lieu, mais il n’a pas duré longtemps », a commenté l’un des auteurs de l’étude, Nico Valckx, en conférence vidéo mardi.
En raison notamment des faibles taux d’intérêt et autres mesures de stimulation économique des banques centrales, le taux d’endettement des ménages dans les pays développés a en effet grimpé depuis 2008 d’une médiane de 52 % à 63 % de leur produit intérieur brut (PIB). Quant au groupe des pays où cet endettement est le plus élevé, la proportion s’est à peine tassée, de 88 % à 86 %.
Le cas canadien
Et puis, il y a le Canada. De 1995 à la crise, le taux d’endettement des ménages y était passé de l’équivalent de 62 % à 80 % de son PIB, rappellent les chercheurs du FMI dans un encadré. Après la crise, il a continué d’augmenter, notamment avec le prix des maisons, et atteint désormais 103 %.
Source : Rapport sur la stabilité financière dans le monde du Fonds monétaire international
Les dettes hypothécaires comptent maintenant pour les deux tiers de cet endettement, le reste étant constitué de crédit à la consommation et autres dettes étudiantes. Cette augmentation de l’endettement s’observe dans toutes les strates de revenus et s’élève désormais en moyenne à 170 % du revenu disponible. L’exemple des États-Unis durant la crise a montré que les ménages fortement endettés sont plus vulnérables aux chocs économiques et que le fait qu’ils puissent être forcés de réduire brutalement leur consommation et même de vendre en catastrophe leur maison risque, à son tour, de plomber l’ensemble de l’économie.
Les experts du FMI ne creusent pas plus profondément le cas canadien dans leur étude. Ce n’est toutefois pas la première fois qu’ils mettent en garde le Canada contre l’accroissement de l’endettement des ménages, mais surtout la hausse des prix de son marché immobilier. Cet été encore, ils saluaient les nombreuses mesures mises en place par les gouvernements, notamment le resserrement des règles hypothécaires et l’imposition de restrictions aux acheteurs étrangers à Vancouver et Toronto, mais invitaient à en faire encore plus.
La Banque du Canada est aussi bien au fait du danger. Dans son plus récent portrait de la situation, elle disait encore cet été que l’endettement des ménages et le niveau élevé des prix immobiliers dans certains marchés étaient deux des principales vulnérabilités du secteur financier au pays.
Les moyens d’agir
Le danger que représente l’endettement des ménages dépend d’une multitude de facteurs, précisent les chercheurs du FMI qui se gardent bien, dans leur étude, de dresser une liste des pays les plus à risque. Son augmentation continue dans les économies émergentes, comme la Chine, leur apparaît, par exemple, moins préoccupante parce qu’elle partait de tellement bas (de 16 % à 21 % du PIB en moyenne depuis 2008), mais aussi parce qu’elle y est plutôt le signe du développement de leur économie.
Mais de façon plus générale, la menace que fait peser la hausse de l’endettement peut être considérablement réduite, disent-ils, avec la mise en place de cadres adéquats. Ils évoquent notamment l’adoption d’une réglementation et de mécanismes de surveillance appropriés dans le secteur financier, une dépendance moins grande envers les prêteurs étrangers, un taux de change flottant et des inégalités de revenus moins prononcés.