Le Québec, champion du «repreneuriat»

Le Québec est l’endroit dans le monde où les entreprises survivent le plus au départ de leur fondateur, conclut une étude. Cela tombe bien, parce qu’on s’attend à ce que de tels départs se produisent en masse au cours des prochaines années.
Plus d’un Québécois sur 25 (4,3 %) a indiqué, dans une enquête internationale, avoir quitté la barre de son entreprise en 2016 et qu’elle continuait désormais de voguer sans lui. Cette proportion est presque deux fois plus élevée que dans le reste du Canada (2,4 %) et classe le Québec largement en tête des pays développés (dont la médiane est de 0,7 %). À l’inverse, le Québec (1,6 %) se situe sous la médiane des pays développés (1,8 %) pour la proportion de répondants qui rapportent que leur entreprise a cessé définitivement ses activités après leur départ, alors que le reste du Canada affiche la plus forte (3,9 %).
Cette mesure du taux de survie des entreprises est en hausse au Québec, ce qui pourrait refléter les efforts déployés par les pouvoirs publics pour encourager ce qu’on appelle le « repreneuriat », expliquent les auteurs du volet québécois de la grande enquête annuelle internationale du Global Entrepreneurship Monitor (GEM) dévoilé mercredi. « Ce phénomène s’explique sans doute aussi par le désir des entrepreneurs de maintenir les entreprises et les emplois dans leur région », a déclaré l’un d’eux, Étienne St-Jean, professeur en management des PME à l’Université du Québec à Trois-Rivières, en entretien téléphonique au Devoir. « On voit le scandale que ça fait lorsqu’une grande entreprise québécoise est achetée par des intérêts étrangers. Le sentiment est le même pour les PME en région. »
Départs massifs à la retraite
Cette question du repreneuriat est importante dans le contexte où l’on prévoit qu’un grand nombre de baby-boomers céderont les commandes de leurs entreprises maintenant qu’ils arrivent à l’âge de la retraite. Au Québec, c’est presque la moitié (44 %) des entrepreneurs qui devraient ainsi se départir de leurs compagnies au cours des cinq prochaines années, estimait la Banque de développement du Canada dans une étude la semaine dernière.
Réalisée pour sa part depuis plusieurs années à partir de sondages auprès de la population et de l’opinion d’experts, l’étude du GEM se penche cette année sur le cas de 85 économies. Au Canada, elle s’est basée sur près de 2200 répondants (dont 473 au Québec) et 150 experts (36 au Québec).
Femmes et entrepreneurs plus âgés demandés
Selon le GEM, l’entrepreneuriat se porte bien au Québec. Les personnes qui disaient vouloir se lancer en affaires les dernières années sont passées de la parole aux actes, ce qui en fait avec le Canada l’endroit avec le plus de nouveaux entrepreneurs parmi les économies développées. Cette fibre entrepreneuriale s’explique entre autres par le fait que nulle part ailleurs ne valorise-t-on plus un tel choix de carrière, mais aussi parce que les Québécois sont en train de se guérir du sentiment d’incompétence qui les a longtemps freinés en la matière.
Animés par un remarquable désir d’innovation et un esprit de conquête des marchés étrangers, les nouveaux entrepreneurs québécois se cantonnent malheureusement encore trop aux secteurs de faible technologie.
Alors que les Québécois de 18-35 ans se révèlent parmi les entrepreneurs les plus dynamiques, ceux de 35-44 ans, mais surtout leurs aînés de plus de 55 ans accusent un retard prononcé sur ceux des autres pays développés. Selon les experts consultés, ces derniers auraient pourtant de bonnes chances de réussir. Malheureusement, « le Québec fait peu de choses pour les soutenir ».
Autre déception, les femmes continuent à être presque deux fois moins nombreuses que les hommes à lancer leur entreprise au Québec. Ce retard semble notamment tenir, comme c’était encore le cas il y a quelques années pour leurs vis-à-vis masculins, à leur sentiment d’incompétence en la matière, seulement 31 % des Québécoises se sentant aptes à se lancer dans pareille aventure contre presque 56 % chez les hommes. « Intuitivement, je vous dirais qu’il y a probablement un effet de génération et que l’écart est probablement moins grand chez les jeunes », dit Étienne St-Jean.