Ottawa préfère Toronto à Montréal pour la Banque de l’infrastructure

Stupéfaction, déception et colère : telles sont les réactions recueillies à Québec lundi à la suite de la décision du gouvernement fédéral d’implanter la future Banque d’infrastructure du Canada à Toronto plutôt qu’à Montréal.
Le choix de l’emplacement de la nouvelle institution, qui sera dotée d’un budget de 35 milliards, a été rendu public lundi par le ministre fédéral de l’Infrastructure et des Collectivités, Amarjeet Sohi, qui mettait ainsi fin à un suspense de plusieurs mois.
Toute la classe politique québécoise, appuyée par le milieu de la finance et de l’économie, militait depuis des mois pour que l’initiative fédérale aboutisse au Québec plutôt qu’en Ontario. Mais le gouvernement Trudeau n’a pas été convaincu par les arguments du Québec. « Nous croyons que la bonne expertise pour la banque se trouve dans cette ville », a déclaré le ministre Sohi, en conférence de presse à Toronto.
Partenariat public-privé
La future banque aura le mandat d’attirer des investissements privés dans des projets comme le transport en commun, des autoroutes ou des réseaux de distribution d’électricité qui génèrent des revenus grâce à des tarifs ou des péages. Le gouvernement fédéral prévoit d’investir 81,2 milliards dans son programme d’infrastructures dans les 11 prochaines années, incluant le financement de la banque.
Sobrement, le premier ministre Philippe Couillard a affiché sa déception, en rappelant qu’il existait au Québec un consensus sur la question. « On est déçu parce qu’on avait rallié toute la communauté » autour de ce projet, a-t-il dit lors d’une mêlée de presse. « Tous les partenaires d’affaires étaient d’accord [pour dire] que Montréal était le site idéal pour cette implantation-là », a-t-il ajouté, sans attaquer le gouvernement fédéral.
En mars, en prévision du budget fédéral à être déposé, il rappelait que « c’est grâce au Québec et par l’exemple du Québec que cette initiative a été présentée ».
Dans un communiqué commun diffusé en fin de journée, trois ministres, Carlos Leitão (Finances), Pierre Moreau (Conseil du trésor) et Jean-Marc Fournier (Leader), se sont montrés « profondément déçus » par la décision d’Ottawa. « Notre gouvernement compte s’assurer que les besoins du Québec, dans les dossiers des infrastructures, sont rigoureusement pris en compte et respectés », ont-ils écrit à l’intention du gouvernement Trudeau.
Centre économique
Une fois de plus, la preuve est faite que le gouvernement Trudeau a choisi de privilégier Toronto, au détriment de Montréal, en tant que centre décisionnel majeur, a dénoncé pour sa part le porte-parole péquiste en matière de finances, le député Nicolas Marceau.
Tout comme la Coalition avenir Québec, l’opposition péquiste est d’avis qu’en toute logique cette nouvelle institution aurait pourtant dû atterrir à Montréal, qui a développé une expertise reconnue sur ces questions, notamment grâce à la Caisse de dépôt. M. Marceau voit dans la décision d’Ottawa l’illustration de l’incapacité chronique du gouvernement Couillard « de faire valoir les intérêts du Québec », de peur de « créer de la chicane ».
« Ça me met en colère », a-t-il ajouté en entrevue téléphonique, de constater que Québec ne réussit pas à revendiquer à Ottawa sa juste part d’investissements structurants. De plus, Montréal perd du même coup quelque 200 emplois de qualité.
La ville de Montréal était pourtant « la mieux placée pour accueillir la future Banque, notamment en raison des nombreux sièges sociaux de grandes firmes d’ingénierie qui conçoivent et construisent les infrastructures », a commenté pour sa part le député caquiste André Lamontagne, se montrant déçu à la fois par le gouvernement Trudeau et le gouvernement Couillard. « Montréal vient de rater une occasion en or de solidifier son économie, de solidifier son expertise », a-t-il déploré par voie de communiqué.
Tout comme le gouvernement Couillard, des acteurs importants de l’économie montréalaise et québécoise, nommément Desjardins et la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, avaient multiplié les démarches auprès d’Ottawa pour que cette institution s’installe au Québec plutôt qu’en Ontario. On en faisait une question de positionnement stratégique pour la métropole du Québec. Le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc, s’est donc montré lui aussi « extrêmement » déçu de la décision d’Ottawa, rappelant que Montréal « constitue le premier pôle d’expertise en infrastructure au pays ». « Le gouvernement fédéral semble mal comprendre les forces de Montréal et hésite à prendre les décisions qui lui sont favorables lorsqu’il s’agit de dossiers économiques stratégiques. Cette situation doit changer », selon M. Leblanc.