Sabia défend les investissements de la Caisse

Le président de la Caisse de dépôt, Michael Sabia
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Le président de la Caisse de dépôt, Michael Sabia

Le président et chef de la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), Michael Sabia, prend « très au sérieux » l’enjeu des paradis fiscaux, mais il refuse de s’engager à cesser d’investir dans des entreprises qui y ont recours.

De passage à l’Assemblée nationale mardi dans le cadre de l’étude des crédits du ministère des Finances, Michael Sabia a dû répondre aux questions pressantes venant d’élus de tous les partis, inquiets que la CDPQ ait presque doublé ses placements dans des entreprises installées dans des paradis fiscaux depuis 2013.

De 14,8 milliards en 2013, les actifs de la Caisse dans ces refuges fiscaux — îles Caïmans, Suisse, Luxembourg ou Guernesey, notamment — sont passés à 26,2 milliards en 2016, selon des calculs du Parti québécois effectués à partir de chiffres dévoilés par la CDPQ.

Un mois après le dépôt d’un rapport transpartisan sur la lutte contre les paradis fiscaux, dont deux recommandations visent la Caisse, les chiffres ont retenu l’attention. Le président de la CDPQ, à qui le rapport recommande de « réduire progressivement ses investissements dans les entreprises qui font de l’évitement fiscal abusif ou de l’évasion fiscale », a refusé de s’engager à ne pas faire de nouvel investissement dans des entreprises qui utilisent des paradis fiscaux. « Non, nous ne pouvons pas vous donner une telle garantie », a admis Michael Sabia.

Deux recommandations

 

Le 5 avril, la Commission des finances publiques a déposé un rapport sur la lutte contre les paradis fiscaux qui contenait 38 recommandations visant à lutter contre ce que son président, le libéral Raymond Bernier, avait alors qualifié de « cancer de l’économie mondiale ». Devant Michael Sabia, le député n’a pas manqué l’occasion de rappeler à la Caisse qu’elle a une responsabilité dans le dossier. « Ça prend bien sûr des décisions politiques et ça prend des actions d’organismes comme le vôtre, pour être capable de mettre les pressions nécessaires pour cesser d’utiliser ces paradis fiscaux là », a-t-il rappelé.

Or la CDPQ, s’est défendu Michael Sabia, investit dans des entreprises qui font de l’évitement fiscal parce qu’elle cherche à éviter « la double imposition » : une première fois lorsque la caisse doit payer des impôts dans le pays où elle investit, et la seconde par les impôts que les Québécois paient sur leur rente. Surtout, la CDPQ cherche à « livrer aux Québécois le meilleur rendement possible », a déclaré son directeur.

« Étant donné le rythme de notre déploiement du capital dans plusieurs pays où on a la possibilité, la probabilité de générer un rendement fort intéressant, nous allons continuer à faire ces investissements, parce que, dans le fond, c’est quelque chose qui rend plus sécuritaires les retraites des Québécois », a martelé Michael Sabia.

La Caisse « fait beaucoup de travail » pour s’assurer de la légalité des pratiques des entreprises dans lesquelles elle investit, a insisté son grand patron. Est-ce donc dire qu’elle s’assure qu’une entreprise ayant des fonds dans un paradis fiscal paye bel et bien des impôts dans le pays où elle est basée ? À cette question, Michael Sabia a évité de répondre. « Si une société pratique de l’évasion fiscale, la Caisse ne va pas investir. Point à la ligne », a-t-il plutôt fait valoir.

Le fait d’entreprendre des mesures pour minimiser les paiements d’impôts — en ayant une filiale dans un paradis fiscal, par exemple — constitue de l’évitement, et non de l’évasion fiscale.

Un mouvement international

 

Selon Michael Sabia, la « solution » à l’enjeu des paradis fiscaux n’est pas entre les mains de l’institution qu’il dirige, mais plutôt « au niveau international ». « Ce n’est pas quelque chose que la Caisse elle-même, que nous pourrions changer. Nous devons travailler dans un contexte mondial », a-t-il avancé. « Nous allons continuer à travailler très fort avec nos partenaires fédéraux pour que la position du Canada à l’intérieur de l’OCDE soit de plus en plus visible », a-t-il ajouté, insistant sur le travail de sensibilisation que fait l’institution qu’il dirige.

Le ministre des Finances, Carlos Leitão, n’a pas trouvé matière à adresser un reproche à Michael Sabia. « Je suis tout à fait à l’aise avec la politique de placement de la Caisse de dépôt. La Caisse opère de cette façon dans l’intérêt supérieur de ses déposants, nous tous », a-t-il affirmé. À sa sortie de l’étude des crédits, son collègue Raymond Bernier a été plus nuancé. « On n’est jamais satisfait, on s’attend toujours à des réponses beaucoup plus précises, a-t-il reconnu. Par contre, je suis conscient que le rapport [de la Commission des Finances] a été déposé il y a seulement un mois, et qu’on a demandé à ses équipes de travailler sur le dossier. » Raymond Bernier a dit s’attendre à lire un chapitre sur la lutte contre les paradis fiscaux dans le rapport annuel de la Caisse.

La Caisse fait pression sur Ottawa pour le REM

Le président et chef de la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), Michael Sabia, a accentué la pression sur Ottawa afin que le gouvernement Trudeau dévoile la hauteur de son investissement dans le Réseau électrique métropolitain. Le projet de six milliards que pilote la CDPQ ne pourra tout simplement pas exister sans une contribution de 1,3 milliard de la part d’Ottawa, a affirmé le grand patron de la Caisse mardi. « Le montage financier, dans un tel cas, ne fonctionne plus », a-t-il déclaré. Le plus récent budget du ministre des Finances, Carlos Leitão, prévoit que Québec consacre 1,3 milliard au REM. Le gouvernement fédéral n’a toujours pas annoncé ses intentions. Mais jusqu’ici, « le travail entre nous et le gouvernement du Canada avance très bien », a assuré Michael Sabia. « Est-ce que, selon moi, le gouvernement du Canada sera là? Moi, je suis très optimiste. Très optimiste », a-t-il ajouté.



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