Des capteurs pour se préparer au pire

Les frères Mehrdad et Farshad Mirshafiei ont créé l’entreprise Sensequake, spécialisée dans la détection des ondes sismiques depuis 2015.
Photo: Guillaume Levasseur Le Devoir Les frères Mehrdad et Farshad Mirshafiei ont créé l’entreprise Sensequake, spécialisée dans la détection des ondes sismiques depuis 2015.

Il y a quelques années, bien des Québécois ont sursauté en apprenant que la région s’étendant entre Ottawa et Québec est la plus susceptible de faire face à un important tremblement de terre au Canada au cours des 50 prochaines années, après celle de Vancouver. Farshad Mirshafiei et son frère Mehrdad, eux, le savent depuis longtemps.

Farshad, détenteur d’un doctorat en ingénierie des structures, et Mehrdad, qui a un postdoctorat en génie électrique, en sont tellement conscients qu’ils ont décidé de bâtir une entreprise basée sur le risque sismique.

Depuis 2015, ils sont à la tête de Sensequake, une compagnie qui permet d’évaluer la vulnérabilité de tous types d’infrastructures à l’aide d’un système de capteurs et d’un logiciel qu’ils ont commencé à développer il y a quelques années entre les murs de l’Université McGill.

« Nous sommes la première compagnie au monde à offrir un produit qui permet de prédire le niveau de destruction à la suite d’un tremblement de terre, en se basant uniquement sur des données récoltées par des capteurs », affirme fièrement Farshad, qui nous reçoit dans les bureaux de District 3, l’incubateur d’entreprises de l’Université Concordia.

« Une grande proportion des infrastructures nord-américaines a été bâtie dans les années 1960 ou 1970 et elles ne sont pas conformes aux nouvelles normes sismiques. C’est donc très important d’évaluer l’état de ces bâtiments », ajoute le cofondateur.

Sur le terrain

Les deux frères ont été exposés au domaine de la construction dès leur plus jeune âge, leur père ayant fait carrière comme architecte. Au fil de ses études, Farshad a raffiné sa connaissance de la structure des bâtiments et il a vite remarqué un potentiel inexploité.

Les capteurs, qui étaient alors surtout utilisés par des chercheurs universitaires en raison de leur coût élevé, permettent d’avoir accès à une « mine d’or » d’informations. « Nous savions qu’il était possible de faire beaucoup plus avec les données », dit-il.

Sensequake a donc mis au point le logiciel qui permet de rendre intelligibles une foule de données sur l’état de santé d’un édifice ou d’un pont, par exemple. « Actuellement, les ingénieurs peuvent faire des inspections visuelles et créer des modèles théoriques à partir des données recueillies, mais nous offrons des réponses à partir de tests sur le terrain, avec les capteurs. C’est une grosse différence », insiste Farshad.

Nombreux clients

Un peu plus d’un an après ses débuts, la compagnie a déjà un carnet de clients bien garni : la Ville de Montréal, qui a notamment commandé des tests au Centre Pierre-Charbonneau et au centre sportif Côte-des-Neiges, l’hôpital Charles-LeMoyne, à Longueuil, sans compter des projets en développement à Toronto et à Ottawa. Des responsables de la Californie ont également montré un intérêt marqué, souligne Farshad.
Les fondateurs de Sensequake soutiennent que leur système présente un attrait certain pour toutes les villes du monde où les risques sismiques sont élevés, mais aussi pour celles qui font face à une menace plus modérée, puisque les infrastructures de ces villes sont souvent moins bien conçues pour résister à un tremblement de terre.

Farshad et Mehrdad espèrent que les projets qu’ils ont menés à terme convaincront d’autres villes d’emboîter le pas. Entre-temps, ils développent de nouveaux capteurs beaucoup moins coûteux que ce qui existe actuellement afin de démocratiser leur technologie.

« Avec des coûts élevés, c’est difficile de percer un large marché. Mais si on baisse le prix des capteurs, plus de gens vont pouvoir effectuer les tests », fait remarquer Mehrdad, qui a quitté son emploi chez Ericsson pour se consacrer entièrement à la nouvelle entreprise.

Histoire de famille

« Notre but ultime, c’est de faire entrer notre technologie dans les firmes d’ingénierie », affirme son frère, convaincu que les grandes entreprises voudront mettre à profit les possibilités de l’Internet des objets. Les prochains mois ne seront donc pas de tout repos pour les deux frères Mirshafiei, qui visent les plus hauts sommets. S’ils y parviennent, ce sera une fierté personnelle, mais aussi familiale.

« J’ai plusieurs amis qui ont lancé leur entreprise, et ils ont parfois des problèmes avec leurs partenaires d’affaires, confie Farshad. Nous nous connaissons depuis toujours, nous connaissons nos forces et nos faiblesses, dont c’est plus facile de collaborer. Nous nous complétons bien. »

 


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