Des allégements fiscaux pour protéger les sièges sociaux

Le gouvernement Couillard a annoncé mardi une série d’allégements fiscaux pour permettre au Québec de conserver et d’attirer des sièges sociaux, ce que l’opposition officielle perçoit comme un cadeau accordé aux plus nantis.
Sur le plan financier, Québec instaure un Groupe d’initiative financière, formé notamment de représentants d’Investissement Québec, des trois fonds fiscalisés québécois et du secteur financier, qui fourniront des analyses et guideront le gouvernement dans ses interventions.
Sur le plan fiscal, le gouvernement procède à trois changements notables, qui constituent le coeur de son plan d’action. Il élargit d’abord à tous les secteurs de l’économie un allégement fiscal pour faciliter le transfert d’entreprises familiales, lequel ne s’appliquait jusqu’à maintenant qu’aux secteurs primaire et manufacturier, de la pêche et de l’agriculture. Cette mesure, qui représente un allégement fiscal de plus de 50 millions de dollars par année, s’applique rétroactivement au 18 mars 2016.
Québec fait également passer de 25 à 50 % le taux de déduction sur les revenus liés à des options d’achats d’actions d’entreprises cotées en bourse dont la masse salariale est de plus de 10 millions, pour l’harmoniser avec le taux en vigueur dans le reste du Canada.
En clair, les dirigeants d’entreprises cotées en bourse sont souvent rémunérés grâce à l’utilisation d’options d’achat d’actions. Jusqu’à maintenant, le Québec imposait 75 % des gains en capital réalisés lors du recours à ces options, comparativement à 50 % dans les autres provinces canadiennes. Le gouvernement met fin à cette disparité.
Mettre fin au désavantage
« Il y a des dirigeants qui déménagent de l’autre côté de la frontière ontarienne pour produire leur déclaration d’impôt. C’est ça, le résultat concret de cette asymétrie, a affirmé le premier ministre Philippe Couillard. Il s’agit de ne pas donner de désavantage au Québec. »
Le gouvernement prévoit que les coûts de ce nouvel avantage fiscal seront compensés par l’impôt supplémentaire perçu auprès de dirigeants qui décideront de revenir ou de s’installer au Québec.
Pour éviter la perte de contrôle ou la vente d’entreprises québécoises à des intérêts étrangers en raison de l’impôt à payer dans certaines situations, comme le décès d’un propriétaire d’actions, une nouvelle mesure permet par ailleurs de reporter le paiement de l’impôt pour une période maximale de 20 ans.
Sur le plan réglementaire, le gouvernement compte « s’appuyer sur les outils légaux en place » pour permettre aux entreprises de réagir à une offre d’achat hostile. Il entend également sensibiliser les entreprises à l’efficacité des actions à vote multiples.
Pour les plus riches
Si le milieu des affaires a presque unanimement applaudi le plan d’action du gouvernement Couillard, le Parti québécois y a vu une stratégie qui rate la cible et qui favorise les plus riches.
Le chef de l’opposition officielle, Jean-François Lisée, a fait remarquer que le premier ministre Couillard a choisi d’offrir un « cadeau » aux Québécois les plus nantis, alors qu’il resserre l’accès à un crédit d’impôt offert aux aînés.
M. Lisée a salué du bout des lèvres la mesure concernant le transfert d’entreprise, tout en déplorant la « timidité » de la stratégie libérale. « Rien dans ce plan n’aurait empêché la vente de Rona, de St-Hubert, du Cirque du Soleil ou des autres entreprises qu’on a perdues sous le gouvernement libéral. Rien, zéro exposant zéro. »
Le porte-parole de la Coalition avenir Québec en matière de finances, François Bonnardel, s’est montré plus enthousiaste. « Les plus riches, les Pierre Karl Péladeau, les Jean Coutu, les Alain Bouchard, les Danièle Henkel, ça nous en prend fois 100 au Québec, des gens comme ça. Donc, je me réjouis de voir qu’on va faciliter la tâche de ces personnes pour vendre [leur entreprise] à leurs enfants. »
Gouvernement « insensible »
Le député Amir Khadir, de Québec solidaire, a quant à lui critiqué les allégements fiscaux consentis aux dirigeants d’entreprises cotées en bourse. « Ce sont des crédits d’impôt qui sont donnés à des personnes qui investissent dans des marchés, qui investissent dans des entreprises, qui sont déjà riches à craquer, s’est-il insurgé. Moi, je pense que c’est une orientation, malheureusement, qui démontre à quel point ce gouvernement-là est tout à fait insensible à la réalité des gens et qui travaille pour une minorité de gens excessivement fortunés. »
Les données de Statistique Canada indiquent que le Québec abritait 568 sièges sociaux en 2014, loin derrière l’Ontario (1084). Montréal en comptait 386, comparativement à 58 pour la ville de Québec. Ces données incluent à la fois les sièges sociaux principaux — qui sont de véritables centres de décision — et secondaires.