Les technologies propres en manque d’investissements canadiens

Etienne Plamondon Emond Collaboration spéciale
Les fonds de pension canadiens devraient s’inspirer du système de retraite de l’administration publique californienne, CalPERS, qui a adopté des stratégies de lutte contre les changements climatiques.
Photo: Max Whittaker Getty Images Agence France-Presse Les fonds de pension canadiens devraient s’inspirer du système de retraite de l’administration publique californienne, CalPERS, qui a adopté des stratégies de lutte contre les changements climatiques.

Ce texte fait partie du cahier spécial Investissement responsable

Les entreprises de technologies propres ont besoin de plus de prêts et d’investissements canadiens en capital de risque pour croître. C’est l’un des constats qui émanent d’une étude réalisée par Cycle Capital Management et Technologies du développement durable Canada (TDDC), deux fonds d’investissement — le premier de nature privée et le deuxième financé par le gouvernement fédéral — spécialisés dans ce secteur.

« On réalise le même nombre de rondes de financement qu’aux États-Unis par rapport à notre poids relatif, précise Andrée-Lise Méthot, fondatrice de Cycle Capital Management. Mais on met deux fois moins d’argent dans les compagnies que nos collègues américains. Et cette situation est encore plus critique dans les entreprises à l’étape du développement et de la commercialisation. »

Le document, publié en décembre dernier, dénombre au Canada 17 rondes de financement en capital de risque de plus de 15 millions depuis 2010 dans ce domaine, tandis qu’elle en relève 406 aux États-Unis. Durant la même période, sept entreprises ont réussi à réunir plus de 50 millions en investissements canadiens, contre 183 qui ont recueilli davantage que cette somme aux États-Unis. En moyenne, une entreprise de technologie propre amasse 40 millions en capital-actions privé avant de réaliser une vente, souligne Mme Méthot.

Au sud de la frontière, de nombreux fonds d’investissement se concentrent sur les technologies propres avec des portefeuilles variant entre 200 millions et 1,8 milliard. Au Canada, seul Cycle Capital Management dépasse les 200 millions d’actif, si l’on combine ses trois fonds. XPV, un fonds implanté à Toronto spécialisé dans les technologies propres en lien avec l’eau, dépasse les 400 millions d’actifs, mais fournit des capitaux étrangers puisqu’il reste enregistré aux États-Unis.

Photo: Mademoiselle photographie Andrée-Lise Méthot

Chez les 20 entreprises canadiennes de technologies propres qui ont réussi à amasser le plus de capital de risque, 40 % des investisseurs venaient de l’extérieur du pays. Les entreprises BioAmber, Distech Controls et Enerkem, dont le siège social se trouve au Québec, ont notamment une grande proportion de leurs investisseurs en capital de risque qui provient de l’étranger.

« C’est une bonne nouvelle que des financiers d’ailleurs soutiennent nos entreprises, indique Mme Méthot. Là où le bât blesse, c’est lorsque leur détention d’actions devient tellement importante, qu’il n’y a plus d’investisseurs canadiens pour avoir de l’influence dans la compagnie. C’est un danger pour plusieurs entreprises, qui n’ont pas le choix de se faire financer sur les marchés internationaux. »

Prêter pour financer une première usine

 

L’étude relève aussi une faille dans le paysage financier canadien en ce qui concerne le peu de prêts accordés aux entreprises de technologies propres. « Un des enjeux, c’est qu’elles doivent construire leur première usine, soulève Mme Méthot. Comme ce sont de nouvelles technologies, elles ne sont pas financées sur le marché classique des banques ou des prêteurs. »

Mme Méthot vante le virage donné, sous le gouvernement Obama, au département de l’Énergie et au département de l’Agriculture, devenu les plus grands prêteurs en matière de technologies propres aux États-Unis. Bien que l’économie d’ici compte certains prêteurs dans le secteur, dont Fondaction, le Canada ne possède aucun équivalent à ces agences gouvernementales états-uniennes pour accorder une quantité comparable de prêts, soulève-t-elle.

« C’est extrêmement important, parce que c’est la différence entre passer du laboratoire à la vie réelle, souligne Mme Méthot. Quand on a la prétention de vouloir bâtir une nouvelle économie, il faut mettre les outils qui vont permettre aux entrepreneurs de la matérialiser. »

Mme Méthot interpelle les gouvernements, mais invite aussi les grands fonds de pension canadiens à s’inspirer du système de retraite de l’administration publique californienne, CalPERS, qui a adopté des stratégies de lutte contre les changements climatiques. « Ils ont une équipe qui comprend l’enjeu, affirme-t-elle. Quand on construit une usine avec une nouvelle technologie, on n’est pas en train d’agrandir une entreprise de vente au détail. Ce sont des stratégies, des risques et un savoir-faire différents. »

Démarrage

 

Avant même d’en arriver à la construction d’une usine, les entreprises de technologies propres doivent démarrer. En 2014, Cycle Capital a mis sur pied Ecofuel, un accélérateur, désormais indépendant, qui soutient les jeunes pousses dans le secteur au Québec. Deux fois par année, Ecofuel sélectionne entre trois et cinq petites entreprises pour les accompagner et les mettre en réseau avec des mentors. Il investit dans chacune d’elle 75 000 $ sous la forme d’une débenture convertible, soit un prêt qui peut être remboursé sous forme d’actions dans la compagnie plutôt qu’en argent, puis les épaule dans la recherche d’autres sources. « On les aide à se financer et il n’y en a pas une qui l’a nécessairement facile », souligne Richard Cloutier, président et chef de la direction de l’accélérateur.

Il affirme recevoir entre 25 et 30 nouvelles candidatures lors de l’ouverture de chaque nouvelle cohorte. Malgré sa trentaine d’années d’expérience dans le secteur des sciences de la vie, il se montre impressionné par ce chiffre. « On est juste capable d’en faire quatre, parce qu’on n’a pas assez de sous et notre équipe est limitée, concède-t-il. Cela confirme que le Québec est innovant, que le secteur des technologies propres est un secteur en effervescence. On devrait être capable de leur offrir plus de services, de soutien et de financement, parce que la demande est là. »

Le gouvernement du Québec a annoncé dans son budget 2016 la création d’un fonds d’amorçage dans les technologies propres de 30 millions. Mais au-delà de l’argent directement investi par l’État, M. Cloutier considère qu’un resserrement des règles environnementales, que ce soit celles concernant les émissions de gaz à effet de serre ou les eaux usées, pourrait aussi favoriser les investissements des acteurs privés, notamment ceux touchés par les contraintes. « Tous les pays qui ont des réglementations plus sévères ont eu des investissements plus importants, note-t-il. Cela devrait se faire sans réglementation. Mais dans la réalité, celle-ci va aider à ce qu’on ait des partenaires stratégiques en plus des partenaires institutionnels. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

À voir en vidéo