Les ventes des fleurons Rona et St-Hubert auront fait jaser en 2016

Le grand patron de St-Hubert, Jean-Pierre Léger, a affirmé avoir tenté, en vain, de trouver un repreneur québécois pour acheter la chaîne de restaurants. C’est finalement vers l’Ontarienne Cara qu’il s’est tourné.
Photo: Peter McCabe La Presse canadienne Le grand patron de St-Hubert, Jean-Pierre Léger, a affirmé avoir tenté, en vain, de trouver un repreneur québécois pour acheter la chaîne de restaurants. C’est finalement vers l’Ontarienne Cara qu’il s’est tourné.

Les ventes de fleurons comme Rona et le Groupe St-Hubert ont beaucoup fait jaser dans les sphères publique et politique en 2016, jetant ainsi de l’ombre sur d’autres transactions réalisées par des entreprises québécoises.

« Un peu partout maintenant, les fusions et acquisitions sont devenues un sujet politique et les politiciens sont interpellés pour intervenir », estime Louis Hébert, professeur de stratégie à HEC Montréal, faisant référence à la montée du protectionnisme constatée aux États-Unis ainsi que dans plusieurs pays d’Europe.

En dépit de ces deux fleurons, le Québec sort gagnant au jeu des acquisitions, selon M. Hébert, puisqu’en 2016, des entreprises comme Alimentation Couche-Tard, Groupe CGI, WSP Global et Groupe Stingray Digital ont continué de prendre des bouchées à l’étranger afin d’asseoir leur croissance.

Certes, le nombre de sièges sociaux au Québec a poursuivi son déclin amorcé depuis plusieurs années pour s’établir à 568 en 2014, selon les plus récentes données de Statistique Canada. Toutefois, cela ne s’est pas nécessairement traduit par une perte d’influence, croit Yvan Allaire, président-directeur du conseil d’administration de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP).

Dans une étude publiée plus tôt cette année, l’Institut a recensé qu’en 2015, 69 sociétés québécoises avaient un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard, alors qu’en 2004, 58 compagnies avaient affiché des revenus de 820 millions — l’équivalent de 1 milliard en 2015 — et plus. « Je pense que [le document] a vidé la charge émotive des gens [à l’égard de Rona et St-Hubert], explique M. Allaire. Il y a de nouveaux joueurs qui apparaissent dans ce groupe. L’année 2016 n’a pas été mauvaise. »

Néanmoins, la vente de St-Hubert soulève un enjeu préoccupant pour M. Allaire, soit celui de la relève entrepreneuriale. Il prévient que de plus en plus d’entrepreneurs se retrouveront dans une situation similaire à celle de l’ex-grand patron de St-Hubert, Jean-Pierre Léger, un septuagénaire. « Plusieurs entrepreneurs vont commencer à se poser la question « quelle est la suite ? », analyse M. Allaire. Devant l’absence de personnes pour prendre le flambeau, la décision pourrait être de vendre. »

Transactions marquantes

 

Voici quelques transactions ayant marqué la dernière année dans le monde des affaires au Québec :

Rona succombe à l’offre de Lowe’s Plus de quatre ans après une première approche ayant provoqué une levée de boucliers, le numéro deux de la rénovation aux États-Unis met finalement la main, en février, sur le quincaillier fondé en 1939 pour 3,2 milliards, incluant la dette. Deuxième plus important actionnaire de Rona à l’époque avec une participation de 17 %, la Caisse de dépôt et placement du Québe accepte de déposer ses actions. La transaction suscite des inquiétudes, notamment chez plusieurs fournisseurs québécois, qui craignent de perdre un important client.

« Plusieurs gestes posés par la direction de Rona, comme la fermeture de magasins jugés non rentables, l’élimination des franchisés et le rachat d’actions ont eu pour effet de rendre l’entreprise plus attrayante pour un acheteur comme Lowe’s », observe M. Allaire, sans toutefois présumer des intentions du dirigeant Robert Sawyer.

En plus de relancer le débat à l’Assemblée nationale sur la protection des sièges sociaux, cette vente suscite la controverse en raison du rôle qu’aurait eu Jacques Daoust sur la liquidation des actions de Rona détenues par Investissement Québec en 2014 lorsqu’il était ministre de l’Économie. Dans la tourmente, celui-ci finira par démissionner de son poste de ministre des Transports en août dernier, disant n’avoir rien à se reprocher.

Le Groupe St-Hubert devient ontarien Moins de deux mois après la vente de Rona, c’est au tour d’un autre fleuron, les rôtisseries St-Hubert, de quitter le Québec. En mars, cette entreprise familiale qui a vu le jour en 1965 passe dans les mains de Cara — propriétaire des chaînes de restaurants Swiss Chalet, Harvey’s, Kelsey’s et East Side Mario’s — pour 537 millions. Le grand patron de St-Hubert, Jean-Pierre Léger, expliquera avoir tenté, en vain, de trouver un repreneur québécois.

« Il a refusé des offres québécoises et c’est particulier, souligne M. Hébert. Plein de gens étaient intéressés parce que c’était une belle marque. Mais le choix de le vendre à quelqu’un de l’extérieur, ça, c’est vraiment particulier. Par contre, ça faisait un bon moment que l’entreprise n’avait pas une direction claire. »

Des pourparlers avaient eu lieu avec Investissement Québec, la Caisse de dépôt et placement du Québec et le Fonds de solidarité FTQ. La CDPQ avait même présenté une offre avant d’apprendre à la dernière minute que St-Hubert était entièrement vendue à Cara.

De grosses bouchées pour Alimentation Couche-Tard La multinationale a une fois de plus été active au chapitre des acquisitions, autant au Canada qu’aux États-Unis. En mars, Couche-Tard rafle la part du lion, avec 279 dépanneurs et stations d’essence, des 497 sites vendus par la Pétrolière Impériale à cinq distributeurs. Puis, en août, l’entreprise établie à Laval réalise la plus importante acquisition de son histoire en mettant la main pour 4,4 milliards $US sur sa rivale texane CST Brands, qui compte 2100 établissements des deux côtés de la frontière, dont 533 sont coiffés de l’enseigne « Dépanneur du coin ».

« L’année a démontré que l’entreprise avait un modèle et une stratégie supérieurs à ses concurrentes, estime M. Hébert. Elle a un modèle où l’exécution est effectuée d’une manière exemplaire à chaque étape. »

L’année 2016 aura également été le théâtre d’une sortie du fondateur et président du conseil Alain Bouchard, qui s’est inquiété pour l’avenir du contrôle de la multinationale advenant la disparition des actions à droits de vote multiple en 2021 en vertu d’une clause crépusculaire signée en 1995.

Le Québec inc. actif Plusieurs autres sociétés québécoises ont acheté à l’étranger au cours de la dernière année dans le cadre de transactions qui ont peut-être moins retenu l’attention. Le brasseur Molson Coors a notamment mis la main sur les marques de Miller pour 12 milliards $US à l’automne. La compagnie de camionnage Transforce a allongé 558 millions $US pour acheter l’Américaine Con-Way Truckload afin d’avoir un meilleur accès au Mexique. De son côté, Transat A.T. a accepté l’offre de 80 millions $CAN du géant allemand du tourisme TUI Group pour ses filiales en France et en Grèce. Le voyagiste québécois n’a jamais caché son intérêt à mettre le pied aux États-Unis en utilisant ce montant. Stingray a également continué d’être active avec quatre acquisitions. L’Industrielle Alliance a également racheté la firme de conseil HollisWealth des mains de la Banque Scotia, disant pouvoir devenir l’une des « plus grandes firmes-conseils non bancaires en gestion de patrimoine au Canada », avec des actifs sous gestion totalisant 75 milliards.

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