Un loup de Wall Street à la Maison-Blanche

Wall Street fait une nouvelle fois son entrée à la Maison-Blanche par la grande porte. Steven Mnuchin, 53 ans, devient secrétaire au Trésor dans le prochain gouvernement américain. Le choix de cet ex-banquier de Goldman Sachs et directeur financier de la campagne électorale du candidat républicain semble assez paradoxal par rapport à la rhétorique populiste de M. Trump. Pendant des mois, le président élu n’a eu cesse de fustiger « les élites de la finance », dont M. Mnuchin est un pur produit. Sans expérience politique, l’homme va toutefois constituer une pièce maîtresse du nouveau gouvernement.
Point commun
Trump et Mnuchin ont un point commun : tous deux ont bénéficié de l’entregent et de la fortune de leur père respectif. Si le premier intégra l’entreprise familiale spécialisée dans l’immobilier, le second, lui, suivra les pas de son père, associé chez Goldman Sachs. Après sa sortie de l’université de Yale, il fera une bonne partie de sa carrière au sein de la banque d’affaires en y restant pendant 17 ans.
M. Trump, qui a reproché pendant sa campagne à Hillary Clinton ses liens avec Wall Street en général et avec Goldman Sachs en particulier, a donc choisi de confier les clés de l’économie américaine à l’un de ses ex-dirigeants. Ce n’est pas la première fois que cela arrive : Robert Rubin et Henry Paulson, deux anciens de cet établissement, avaient aussi été nommés secrétaires au Trésor par, respectivement, Bill Clinton et George W. Bush.
Des faits d’armes juteux
Après avoir gravi les échelons jusqu’à devenir vice-président exécutif et amassé une fortune de 46 millions de dollars, Steven Mnuchin quitte la banque d’investissement en 2002. Comme beaucoup de banquiers d’affaires, il rejoint ensuite un fonds spéculatif. C’est Eddie Lampert, son colocataire de Yale, qui le persuade de rejoindre sa structure, ESL. Il y restera quelques mois avant de fonder son propre fonds, Dune Capital, avec deux anciens de chez Goldman, Daniel Neidich et Chip Seelig. Le nom fut choisi en référence aux dunes de sable visibles de sa luxueuse maison située dans les Hamptons, une région où de nombreux milliardaires de Wall Street disposent d’un pied-à-terre.
Son fait d’armes le plus spectaculaire consiste, en 2009, à monter un tour de table avec un groupe d’investisseurs dont Michael Dell, le fondateur du fabricant d’ordinateurs, et le célèbre spéculateur George Soros, afin de racheter IndyMac Bank, une caisse d’épargne spécialisée dans les prêts hypothécaires à risques qui venait de faire faillite après la crise des subprimes.
Placée dans un premier temps sous le contrôle du Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), l’agence fédérale qui garantit les dépôts bancaires aux États-Unis, la société a été reprise par M. Mnuchin et ses associés pour 1,5 milliard de dollars. Un montant largement inférieur à la valeur des actifs de la société.
Socialisation des pertes
Pour ses détracteurs, cette opération est le parfait exemple d’une opération de socialisation des pertes suivi d’une privatisation des profits. La FDIC a en effet assumé l’essentiel des risques. Selon l’association à but non lucratif California Reinvestment Coalition, l’agence fédérale a versé plus de 1 milliard pour couvrir le coût des saisies immobilières dans le seul État de Californie.
Délestée de son passif, la société se transforme en affaire juteuse pour les acheteurs, qui, dès la première année, se versent 1,57 milliard de dividendes. Rebaptisé OneWest, l’établissement est rapidement à la tête de trente-trois succursales et de 16 milliards d’actifs. En quelques années, l’organisme de crédit se bâtit une réputation d’entreprise sans scrupule, multipliant les saisies. OneWest fait également l’objet de plusieurs plaintes pour discrimination raciale dans la façon d’accorder ses prêts.
En juillet 2014, OneWest est revendu à CIT Group pour 3,4 milliards, soit une plus-value de 100 % en l’espace de cinq ans. Après le rachat, Steven Mnuchin est resté vice-président du conseil d’administration jusqu’au 31 mars 2016, fonction pour laquelle il a été rémunéré 4,5 millions de dollars par an. À son départ, il a eu droit à un parachute doré, qui, selon le Wall Street Journal, s’est élevé à 10,9 millions. Depuis, l’homme d’affaires s’était reconverti dans la production cinématographique en participant notamment au financement de superproductions comme X-Men ou Avatar.