Les emprunteurs ne sont pas nécessairement ceux que vous croyez

Vous vous êtes déjà demandé qui avait recours aux prêts à court terme de 200 $, 500 $ ou 1000 $ offerts sans enquête de crédit, qu’on annonce régulièrement à la radio ou dans le métro ? La réponse risque de vous surprendre.
Lorsque la carte ou la marge de crédit ne suffisent plus pour payer les factures, le prêt à court terme devient pour certains l’option de dernier recours. Mais un rapport publié cette semaine par l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC) révèle que l’emprunteur-type est souvent mal informé et gagne un revenu plus élevé que ce qu’on pourrait croire.
L’agence du gouvernement fédéral a dévoilé, il y a quelques jours, les résultats d’un sondage réalisé auprès de 1500 Canadiens qui ont eu recours à un prêt sur salaire au cours des trois dernières années. Ces prêts d’un maximum de 1500 $, qui doivent normalement être remboursés à courte échéance, constituent une option très coûteuse, puisqu’ils sont assortis de frais qui peuvent faire grimper le taux de crédit annuel à plus de 300 %.
Cette information cruciale a pourtant échappé à plus de la moitié des répondants interrogés par l’ACFC : moins de 43 % savaient qu’un prêt sur salaire est plus cher qu’une avance de fonds sur une carte de crédit.
Pas seulement les plus pauvres
« Même si les Canadiens ont recours aux prêts sur salaire pour diverses raisons, il est probable que le manque de connaissance et de compréhension des coûts relatifs influe sur leur décision de recourir à ces produits coûteux », souligne le rapport de l’ACFC.
Les emprunteurs se servent surtout du prêt sur salaire pour assumer des dépenses nécessaires et imprévues (45 %), mais une large proportion l’utilisent aussi pour couvrir des dépenses nécessaires et prévues (41 %).
Sans surprise, plus de la moitié des personnes interrogées ont déclaré un revenu familial peu élevé, en deçà de 55 000 $. Mais, contrairement à l’image qu’on se fait souvent de l’emprunteur fortement endetté, un répondant sur cinq a déclaré un revenu de ménage supérieur à 80 000 $, soit davantage que le revenu médian de 78 870 $ enregistré au Canada en 2014.
Selon les estimations du Conference Board du Canada, le secteur canadien du prêt sur salaire accordera environ six millions de prêts à des ménages en 2016, pour une valeur totale de trois milliards de dollars.
« Le recours à ces prêts à court terme et à coûts élevés a plus que doublé au Canada récemment, pour toucher 4 % des ménages canadiens, fait remarquer la commissaire de l’ACFC, Lucie Tedesco. À mon avis, cette tendance mérite une plus grande attention. »
Au Québec, les entreprises qui veulent offrir des prêts à court terme doivent détenir un permis de l’Office de la protection du consommateur (OPC). Mais, en plus des 168 compagnies québécoises qui s’affichent en toute légalité, d’autres joueurs jouent du coude, surtout sur Internet.
« L’OPC exerce sa surveillance sur ce secteur comme sur les autres domaines où un permis est requis par la loi et il initie des procédures pénales à l’encontre des prêteurs en infraction », affirme le porte-parole de l’OPC, Charles Tanguay.
Les prêts à court terme peuvent porter différents noms, mais ils ont en commun des frais et un taux d’intérêt élevés. Bien que l’étendue de leur utilisation au Québec soit difficile à quantifier, le vice-président de la firme de syndics de faillite Ginsberg Gingras, Pascal Gagnon, affirme que les cas de clients ayant eu recours à ce genre de prêts sont « récurrents ».
Un « cercle vicieux »
« Ce qu’on constate parfois dans les dossiers d’insolvabilité, c’est que ça devient un cercle vicieux. Quand la paye arrive et qu’il est temps que l’agence reprenne son prêt, plus les frais, l’argent n’est pas disponible. Donc, le prêt est reporté à la prochaine paye, avec des frais d’intérêt qui s’accumulent », explique-t-il.
Les clients qui traînent des prêts à court terme ne sont pas majoritaires, dit-il. Mais, dans les pires cas, certains peuvent contracter jusqu’à cinq prêts sur salaire en même temps. « Ça devient quasiment impossible à gérer. »
« Pourquoi les gens utilisent ce type de crédit-là ? C’est parce qu’ils ont frappé un mur chez les institutions financières régulières », observe Éric Lebel, associé en redressement et insolvabilité chez Raymond Chabot Grant Thornton.
«En désespoir de cause»
Cet expert assure que la plupart des clients qu’il rencontre ont avant tout des dettes liées à des cartes ou des marges de crédit, mais que certains se tournent effectivement vers les prêts à court terme « en désespoir de cause ».
« Il y aura toujours une proportion de la population qui sera mal prise et des prêteurs qui vont accepter de prêter à ces gens-là, mais à des taux très élevés, parce qu’ils sont à risque », résume celui qui voit au quotidien les multiples visages de l’endettement.
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