L’aviation civile fait le pari d’une croissance neutre en carbone

Le tarmac de l’aéroport de San Francisco. L’industrie souhaite ramener d’ici à 2050 les émissions de GES au niveau de celles de 2020.
Photo: Justin Sullivan Getty Images Agence France-Presse Le tarmac de l’aéroport de San Francisco. L’industrie souhaite ramener d’ici à 2050 les émissions de GES au niveau de celles de 2020.

L’aviation civile internationale s’engage plus à fond dans la lutte contre les changements climatiques. Une entente est intervenue entre les pays membres de l’OACI visant d’abord à plafonner puis à réduire les émissions de GES de l’industrie. Une soixantaine de pays, dont le Canada, participent à la première phase, qui repose sur le volontariat.

Tant l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) que l’Association du transport aérien international (IATA) ont qualifié d’historique l’accord conclu jeudi dans le cadre de la 39e assemblée générale de l’organisation onusienne. Comme pièce maîtresse, les 191 États membres ont entériné la mise en place d’un Régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale (sous l’acronyme anglais de CORSIA). « Le CORSIA est le premier instrument mondial touchant un secteur industriel tout entier », a déclaré le directeur général de l’IATA, Alexandre de Juniac.

L’exercice repose sur l’élaboration d’une mesure mondiale basée sur le marché (GMBM en anglais), devant se traduire par un mécanisme de compensation des émissions prévoyant l’achat par les compagnies aériennes de crédits carbone dans une bourse d’échanges. Le calcul s’applique sur les vols internationaux et exclut les vols intérieurs.

L’aviation internationale vise ainsi une croissance neutre en carbone et souhaite ramener d’ici à 2050 les émissions de gaz à effet de serre au niveau de celles de 2020. La mise en oeuvre de CORSIA fait appel à une participation d’abord volontaire entre 2021 et 2026, ensuite obligatoire. Ainsi, 64 des 191 États membres, dont le Canada, les États-Unis, la Chine et les pays européens, se sont engagés dans la première phase. Dans son communiqué l’OACI ajoute que, dans sa phase obligatoire, le processus exemptera les pays les plus pauvres, les micro-États et les petits États insulaires, et ceux comptant pour moins de 0,5 % du trafic mondial de passagers.

Avec ces participants à la phase volontaire, « CORSIA couvrira, selon nos estimations, plus de 80 % de la croissance après 2020 », a mesuré l’IATA.

Le ministre fédéral des Transports, Marc Garneau, a salué cet accord. Il a souligné que les pays qui participeront au programme comptent pour 84 % du trafic aérien international, une proportion qui grimpera à plus de 90 % d’ici 2027, peut-on lire dans un texte de La Presse canadienne. Selon les estimations avancées jeudi, dans le pire des scénarios, les coûts carbone retrancheront 1 % des revenus des compagnies aériennes, et pourraient se traduire par une hausse de 1,5 % du prix des billets.

Des réserves

 

Globalement, les environnementalistes ont exprimé leur satisfaction. Mais si l’accord a été entériné par consensus, certains pays ont émis de sérieuses réserves, dont l’Inde et la Russie, et, dans une moindre mesure la Chine, relève l’Agence France-Presse. La Russie a parlé d’un « objectif irréaliste » et a régulièrement insisté depuis le début de l’assemblée de l’OACI le 27 septembre sur le fait que, bien au contraire, les émissions de GES du secteur aérien allaient augmenter.

Ce scepticisme se nourrit de la forte croissance attendue dans le secteur aérien. L’OACI a déjà souligné que le nombre de vols et de passagers de l’aviation civile doublera d’ici 2030, ce qui représente 60 millions de vols et plus de 6 milliards de passagers par an. En février dernier, le secteur de l’aviation civile faisait un premier pas véritable en concluant un accord applicable dès 2020 pour les nouveaux modèles d’appareils. La nouvelle norme d’émission, qui dépend du poids de l’appareil, s’appliquera aux nouveaux modèles lancés en production à partir de 2020, et aux nouvelles livraisons dès 2023.

« En soi, le CORSIA ne conduira pas à l’avenir durable de l’aviation, a reconnu l’IATA. En plus de cette mesure mondiale fondée sur le marché, l’industrie poursuivra ses efforts dans le cadre de sa stratégie à quatre paliers sur les changements climatiques, qui prévoit l’amélioration des technologies, des opérations et des infrastructures. »

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