La cimenterie de Port-Daniel sera plus chère de 440 millions

Comment justifier une hausse de près de 40 % du coût du projet, déjà vertement critiqué pour son coût environnemental? Maryse Tremblay, relationniste de McInnis, précise que des ajouts importants ont été effectués après la phase de planification.
Photo: Olivier Zuida Le Devoir Comment justifier une hausse de près de 40 % du coût du projet, déjà vertement critiqué pour son coût environnemental? Maryse Tremblay, relationniste de McInnis, précise que des ajouts importants ont été effectués après la phase de planification.

En construction à Port-Daniel, dans la péninsule gaspésienne, la nouvelle cimenterie voit sa facture exploser. Le Globe and Mail a rapporté mercredi que le dépassement de coût du projet serait de 400 à 450 millions de dollars, citant des sources anonymes proches du dossier.

Questionnée à ce sujet, la relationniste de McInnis, Maryse Tremblay, conteste ce montant « exagéré », tout en refusant de préciser le montant réel des dépassements de coûts. « Il y a bel et bien une hausse des coûts, puisque nous avons effectué d’autres choix que ce qui était initialement planifié. » La ministre de l’Économie, de la Science et de l’Innovation, Dominique Anglade, a quant à elle mentionné le montant de 440 millions de dollars à la sortie de la réunion du conseil des ministres, mercredi. « On nous a informés d’un dépassement de coûts important à la fin du mois de mai. À la suite de cela, nous avons fait un certain nombre d’investigations auprès de l’entreprise, et on a établi un processus qui va nous assurer de la rentabilité du projet, à terme. »

Pas un cent d’argent public de plus

Le gouvernement du Québec a intérêt à ce que le projet soit rentable. Initialement prévue à 1,1 milliard de dollars, la cimenterie est réalisée en partenariat public-privé. Avec comme actionnaires la famille Beaudoin (à la tête de Bombardier) et la Caisse de dépôt et placement du Québec, les investissements publics se chiffrent à 350 millions de dollars, sous forme d’un prêt de 250 millions de dollars d’Investissement Québec doublé d’un investissement de 100 millions en capital-actions.

Le gouvernement a tenu à réitérer sa confiance dans le projet de cimenterie McInnis, mis en chantier par le précédent gouvernement de Pauline Marois. Pas question, toutefois, d’augmenter la participation publique. « Ce sont les partenaires privés qui absorberont ce coût supplémentaire », précise Maryse Tremblay, de McInnis, tout en avançant que la confiance des investisseurs demeure intacte.

La Caisse de dépôt, partenaire dans le projet à la hauteur de 100 millions de dollars, pourrait donc éponger une partie de cette hausse de coûts. « Les discussions viennent de commencer avec les autres actionnaires », précise Christian Dubé, premier vice-président de la Caisse. « Si on augmente notre participation, ce sera à nos conditions. »

Une mauvaise planification

 

Comment justifier une hausse de près de 40 % du coût du projet, déjà vertement critiqué pour son coût environnemental ? Maryse Tremblay, relationniste de McInnis, précise que des ajouts importants ont été effectués après la phase de planification. « C’est comme si, pendant la construction d’une maison, on décidait d’ajouter une salle de bain. Le projet devient plus cher. »

Comme ajouts, elle cite l’installation de meilleurs équipements de chargement et de déchargement des navires au terminal maritime, afin d’augmenter son efficacité, et des changements au réseau de terminaux de distribution, dont le coût est inclus dans le projet. De plus, puisque le chantier a débuté en retard, il a été décidé d’augmenter la cadence des travaux afin de respecter l’échéancier, ce qui signifie plus d’heures supplémentaires et une facture plus salée.

« C’est le choix qu’on a fait, pour entrer sur le marché dès début 2017 », précise Maryse Tremblay. On cite notamment la reprise de la construction aux États-Unis et la faiblesse du dollar pour justifier l’importance de mettre en marché le ciment rapidement. Pour sa part, la ministre Dominique Anglade n’a pas semblé apprécier ces ajouts en cours de projet. « Il y a eu des sous-estimations importantes au niveau de l’ingénierie du projet qui ont mené à ce résultat-là. Il n’y a personne qui peut être content de la situation actuelle. »

Le député de Gaspé et responsable au Parti québécois de la région de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, Gaétan Lelièvre, n’est pas prêt à dénoncer ces modifications. « Je fais la distinction entre un projet qui n’a pas marché, et dont le gouvernement doit défrayer les coûts. Ici, le projet a été amélioré, sans argent public. Il s’agit d’un investissement supplémentaire pour la région. »

Des changements dans l’administration

La ministre de l’Économie a indiqué prendre les grands moyens pour s’assurer de la rentabilité du projet. « Des conditions ont été mises en place avec le financement du gouvernement. […] Des experts sont arrivés sur le chantier au niveau de l’évaluation du projet pour donner une vision claire de l’ensemble de la situation. »

McInnis confirme que de nouvelles ressources humaines ont été ajoutées, tout en restant vague sur leur nombre et la nature exacte de leurs fonctions. Christian Dubé, de la Caisse de dépôt et placement, s’est dit « très déçu » par l’ancienne administration de McInnis. « Des changements ont été apportés, et nous sommes très confiants envers la nouvelle équipe. »

Ciment McInnis a présentement onze lobbyistes inscrits au registre québécois afin de plaider en faveur de la cimenterie de Port-Daniel. Le mandat en vigueur jusqu’en 2018 comprend des « démarches » afin d’« obtenir d’entités ou autorités gouvernementales de l’aide financière pour la réalisation du Projet, dont notamment l’achat des équipements qui seront installés au site de la cimenterie. Les programmes visés sont inconnus à ce jour et cette aide financière pourrait prendre la forme de prêts ou tout autre avantage pécuniaire. Les montants sont inconnus à ce jour ». L’usine de Port-Daniel-Gascons devrait être inaugurée en novembre 2016. Les premières exportations de ciment sont prévues au printemps 2017.

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