ExxonMobil résiste à l’assaut des actionnaires pro-climat

Faute d’appuis suffisants, il n’y aura pas d’analyse pour l’instant : 38 % des actionnaires d’ExxonMobil et 41 % de ceux de Chevron ont appuyé mercredi des résolutions demandant à la direction d’évaluer l’impact qu’auront les politiques en matières de lutte contre les changements climatiques sur la viabilité des activités.

L’assemblée annuelle des actionnaires d’ExxonMobil à Dallas, particulièrement tendue cette année en raison des questions portant sur la conférence de Paris et les efforts visant à limiter le réchauffement planétaire à 2 degrés, a encore une fois donné lieu à de multiples interventions de la part d’actionnaires qui voudraient voir la société expliquer sa démarche à ce chapitre.

Par ailleurs, 18,5 % des actionnaires ont voulu forcer l’entreprise à appuyer explicitement l’importance de l’objectif de 2 degrés et 21 % voudraient qu’un expert climatique soit nommé au conseil.

Sans nier les constats des experts sur les changements climatiques, le chef de la direction et président du conseil, Rex Tillerson, a cependant profité de sa tribune pour livrer un véritable plaidoyer en faveur des hydrocarbures.

 

« La réalité, c’est qu’il n’y a pas de source d’énergie alternative capable de remplacer l’omniprésence des combustibles fossiles dans notre économie, notre qualité de vie, et je dirais même dans notre survie, a dit M. Tillerson en réponse à une actionnaire. Le monde va devoir continuer à consommer des combustibles fossiles, qu’on le veuille ou non. »

La majorité des interventions des actionnaires pendant la période de questions ont porté sur les pratiques d’ExxonMobil dans un contexte de changements climatiques, certains abordant des enjeux de santé publique alors que d’autres sont revenus sur le financement occulte de groupes opposés à la science des changements climatiques.

La seule résolution qui a obtenu une majorité de votes est celle permettant à des actionnaires minoritaires de mettre en nomination des candidats souhaitant accéder au conseil, ce qui pourrait ouvrir une fenêtre à des personnes issues du mouvement environnemental. Le conseil d’ExxonMobil avait recommandé à ses actionnaires de rejeter toutes les propositions.

Enquête

 

L’assemblée de cette année se tient alors que l’entreprise fait l’objet d’une enquête du procureur général de New York pour savoir si elle a, dans le passé, menti au public et aux investisseurs sur ce qu’elle connaissait en matière de risques liés aux changements climatiques. Lors d’une conférence de presse tenue en mars à New York, 15 États ont exprimé leur appui à l’enquête, dont le Massachusetts, le Vermont, le Maryland et le Connecticut. De plus, la dernière année a été marquée par l’émergence d’une réflexion publique sur les « actifs délaissés », référence aux investissements qui présentent un risque de dévaluation en raison de leur nature.

« Quelle solution avantageuse pour tous ExxonMobil va-t-elle mettre en avant pour atteindre les objectifs de lutte contre les changements climatiques », a demandé Michael MacCracken, scientifique en chef du Climate Institute à Washington.

Insistant sur un éventail de risques au lieu d’un scénario en particulier, M. Tillerson s’est lancé dans une réponse de longue haleine : « Il y a un équilibre à exercer entre des événements climatiques futurs, qui pourraient être catastrophiques mais demeurent inconnus, même selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, et les besoins plus immédiats de l’humanité, pour lutter contre la pauvreté, la famine, la maladie et le niveau de vie de beaucoup de monde qui demeure inacceptable. La seule façon de faire ça, c’est de leur fournir les sources d’énergie que nous avons aujourd’hui. C’est pourquoi nous croyons que les combustibles fossiles auront un rôle significatif à jouer pour autant qu’on puisse en juger. Aucune étude gouvernementale n’est en désaccord avec ça. »

Un seul intervenant s’est présenté au micro pour affirmer que les changements climatiques sont une pure invention. « Si vous n’aimez pas ExxonMobil, vendez vos actions, achetez des actions solaires, et là vous aurez assez d’argent pour payer votre essence et votre carburant d’avion pour venir ici », a-t-il lancé sous les applaudissements polis de la salle.

Selon le groupe britannique ShareAction, des investisseurs gérant des actifs de 6000 milliards ont voté en faveur de résolutions d’actionnaires portant sur les changements climatiques à l’assemblée d’ExxonMobil et à celle d’un autre producteur souvent visé par des campagnes, Chevron.

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