Un contrat comme coup de pouce additionnel

L’annonce du gros contrat décroché par Bombardier auprès du transporteur Delta donne de l’élan à l’industrie aéronautique. Au-delà de ça, disent les acteurs, le secteur a réussi à se tourner vers l’étranger de manière à limiter la dépendance qu’il pouvait autrefois avoir envers un constructeur en particulier.
« Les PME ont beaucoup diversifié leurs marchés », dit Nathalie Paré, directrice générale du Comité sectoriel de main-d’oeuvre en aérospatiale (CAMAQ), rencontrée vendredi dans un événement organisé pour aider les PME à comprendre la formation. « Toutes les annonces de mises à pied qu’on a vues, les PME les ont absorbées, ils ont embauché ces gens-là. »
L’industrie québécoise comptait environ 42 000 travailleurs en 2015, selon une récente recension du CAMAQ. Alors que Montréal représente le coeur du secteur, les 15 plus grandes entreprises représentent carrément 75 % des emplois. Une ribambelle de PME complète le portrait, ce qui porte le total des entreprises à environ 200.
« Les PME font aussi des affaires avec Boeing, Airbus et Embraer, ce qui fait qu’elles sont moins tributaires de Bombardier, dit Mme Paré. L’annonce de Bombardier va apporter un besoin supplémentaire en main-d’oeuvre. Mais sans ça, le pronostic était déjà très intéressant. L’industrie n’est pas en déclin à Montréal. »
La présidente de la grappe Aéro Montréal, qui rassemble tout le monde autour d’une même table, tient le même discours. « Il y a dix ans, les PME auraient peut-être été mal en point, dit Suzanne Benoit. À l’époque, beaucoup de PME faisaient affaire directement avec Bombardier. » Au fil du temps, les PME ont appris à faire affaire avec des intégrateurs, c’est-à-dire des intermédiaires fournissant des sous-ensembles complets aux avionneurs pour l’assemblage final. « Ils sont partout dans le monde. Ça amène nos PME sur la CSeries, oui peut-être, mais aussi sur d’autres programmes d’avions. »
Pas de doute que l’annonce de Bombardier, à qui Delta a placé une commande ferme de 75 appareils CS100 et des options sur 50 autres, est perçue de façon extrêmement positive, dit Mme Benoit. « La nouvelle est venue rassurer les marchés. Le fait d’aller chercher Delta prouve que c’est un avion très performant. Il n’y a pas une ligne aérienne qui va prendre un risque avec un nouvel avion sans avoir fait une analyse en profondeur. »
Les manchettes ponctuelles et la couverture médiatique des licenciements qui ont récemment frappé Bombardier et Bell Helicopter ne sont pas représentatives du portrait du marché de l’emploi, dit Mme Paré. Sur les 30 dernières années, souligne-t-elle, 22 ont généré une croissance dont le taux de croissance annualisé est de 2,39 %. « Sur les huit ou neuf prochaines années, les besoins en main-d’oeuvre se situent autour de 33 000 emplois, soit 10 000 nouveaux et 23 000 remplacements. »
Ce besoin en main-d’oeuvre est comblé notamment par les écoles techniques, lesquelles voient le nombre d’inscriptions fluctuer au gré des cycles de l’industrie.
Il peut y avoir des fluctuations, mais l’industrie est en croissance continue, dit Louis-Marie Dussault, directeur adjoint des études à l’École nationale d’aérotechnique, au cégep Édouard-Montpetit. La perception des gens peut parfois dépendre des manchettes, convient-il. « Aussi, ce qui peut avoir un impact, c’est que lorsqu’il y a des licenciements, on ne connaît pas la nature des emplois qui sont touchés. Est-ce que c’est dans les bureaux, les techniciens, l’ingénierie ? »
L’École nationale d’aérotechnique a une capacité de 1350 étudiants. « Présentement, on est entre 900 et 1000, dit M. Dussault. Au début des années 2000, on en avait 1400 ou 1500, et c’est tombé à 550 en 2005. Donc on a remonté. On pense que l’annonce de Bombardier va avoir un effet sur nous. »
Environ 40 % des finissants de l’École aérotechnique font ensuite des études de niveau universitaire. Mais pour ceux qui font le saut vers le marché du travail, le taux de placement oscille entre 81 et 89 % selon les programmes (avionique, génie aérospatial, maintenance d’aéronefs).