Défendre le droit fondamental de négocier

Stéphane Gagné Collaboration spéciale
« À la suite d’une rencontre avec Martin Coiteux, nous avons la conviction qu’il ne donnera pas aux municipalités le pouvoir de décréter les conditions de travail de leurs employés », dit Denis Bolduc, secrétaire général du SCFP.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir « À la suite d’une rencontre avec Martin Coiteux, nous avons la conviction qu’il ne donnera pas aux municipalités le pouvoir de décréter les conditions de travail de leurs employés », dit Denis Bolduc, secrétaire général du SCFP.

Ce texte fait partie du cahier spécial Syndicalisme

Tout a commencé lors de la publication du document « Accord de partenariat avec les municipalités », signé en septembre 2015 par le gouvernement et les municipalités. Dans ce document, le gouvernement Couillard s’engageait à revoir le cadre des relations de travail dans les municipalités (ex. : processus de négociation collective, loi sur les relations de travail, formation professionnelle). Un petit paragraphe, plutôt flou, en faisait mention. Bien que le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) ne connaisse toujours pas clairement les intentions du gouvernement à ce propos, un printemps chaud s’annonce pour éviter un recul des conditions de travail des employés municipaux.

C’est qu’un projet de loi à ce sujet devrait être présenté ce printemps. « À la suite d’une rencontre avec Martin Coiteux [ministre des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire et ministre de la Sécurité publique] le 21 mars dernier, nous avons la conviction qu’il ne donnera pas aux municipalités le pouvoir de décréter les conditions de travail de leurs employés, dit Denis Bolduc, secrétaire général du SCFP. Cela pourrait toutefois prendre la forme d’un arbitrage obligatoire et nous n’accepterons pas cela. Le gouvernement s’attaquerait à un droit fondamental qui est le droit à la négociation. C’est comme si on mettait une épée de Damoclès au-dessus de négociations qui n’évolueraient pas en faveur des décideurs municipaux. »

Après une lutte acharnée contre la loi sur les régimes de retraite des employés municipaux (que le SCFP conteste devant les tribunaux), la mobilisation est à nouveau lancée contre cet éventuel projet de loi du gouvernement.

La mobilisation

 

Plusieurs actions ont donc déjà été amorcées et d’autres sont prévues. Ainsi, en février dernier, le SCFP a lancé une campagne publicitaire à la radio afin de « sensibiliser les Québécois à l’injustice que s’apprête à commettre le gouvernement Couillard ». La campagne a duré trois semaines et comprenait deux messages publicitaires qui ont été diffusés dans les grands postes de radio. Un site Web intitulé egalegal.ca a aussi été mis en ligne pour soutenir cette campagne. On y trouve les principaux arguments en faveur du maintien des droits acquis, soit une négociation d’égal à égal.

Fin mars dernier, autre action. Une pétition a été lancée et parrainée par la députée péquiste Martine Ouellet. « Nous avons déjà recueilli plus de 12 000 signatures et nous comptons en recueillir beaucoup d’autres d’ici le 18 mai, date limite pour apposer sa signature », dit M. Bolduc.

Depuis la mi-avril, le SCFP a aussi imprimé et fait circuler une collection de cartes intitulée « Les pas fiables » du monde municipal. Il s’agit d’un jeu de 12 cartes où figurent les noms de plusieurs maires et ex-maires qui ont trempé dans la corruption ou qui ont eu des relations houleuses avec leurs employés syndiqués. On y trouve, par exemple, Frank Zampino, ex-maire de Saint-Léonard (accusé de fraude, complot et abus de confiance), Régis Labeaume, maire de Québec (accusé — par le SCFP — d’ingérence dans les affaires syndicales), Michael Applebaum, ex-maire de Montréal (accusé de fraude, complot et abus de confiance), etc. « Le but est de sensibiliser les gens au fait qu’il ne faut pas faire aveuglément confiance à des maires qui ont posé des gestes frauduleux, antidémocratiques et qui ont manqué d’éthique », dit M. Bolduc. Le SCFP compte imprimer d’autres cartes de ce genre.

Toujours à la mi-avril, 6000 pancartes ont été installées sur des poteaux dans les grandes villes du Québec. On peut y lire « Pacte fiscal. L’équilibre brisé ». Cette campagne a fait réagir à Québec où une porte-parole de la Ville a mentionné qu’il s’agissait d’un affichage illégal et a demandé à ce que toutes les pancartes soient retirées. « Nous ne comptons pas obtempérer, dit M. Bolduc. Il s’agit peut-être d’un affichage illégal, mais il est légitime. »

Une grande manifestation à Québec

Le 12 mai prochain, toutes ces actions culmineront avec une manifestation devant le centre des congrès de Québec lors de l’ouverture des assises annuelles de l’Union des municipalités du Québec (UMQ). « Ce sera une bonne occasion pour faire valoir notre point de vue alors qu’un grand nombre de décideurs municipaux seront présents », dit M. Bolduc, qui déplore que plusieurs maires comme Régis Labeaume, Éric Forest, maire de Rimouski, et le maire Bernard Sévigny de Sherbrooke aient déjà demandé à Québec le pouvoir de décréter les conditions de travail de leurs employés.

M. Bolduc soutient que d’autres manifestations pourraient aussi être organisées lorsque le projet de loi sera déposé à l’Assemblée nationale.

L’enjeu : le droit à la négociation

Advenant l’adoption de cette loi, M. Bolduc croit que la limitation du droit à la négociation qui y serait sans doute proposée placerait le gouvernement dans l’illégalité et en violation des chartes des droits de la personne. « C’est certain qu’on irait devant les tribunaux pour la contester », dit-il.

M. Bolduc espère toutefois que les récents événements survenus au Nouveau-Brunswick auront des répercussions ici. « Dans cette province, le gouvernement Gallant avait déposé un projet de loi visant à apporter des changements à l’arbitrage exécutoire qui auraient favorisé les municipalités. Or, devant le tollé général suscité par ce projet et la forte probabilité que cette législation ne passe pas le test des tribunaux, le gouvernement a reculé au début avril. » M. Bolduc croit que ce revirement pourrait faire réfléchir le gouvernement Couillard quant aux pouvoirs qu’il compte accorder aux municipalités en matière de relations de travail. À suivre…

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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