Comment recycler les revenus du marché du carbone?

Le centre de captage et de stockage du carbone Quest, à Fort Saskatchewan, en Alberta
Photo: Jason Franson La Presse canadienne Le centre de captage et de stockage du carbone Quest, à Fort Saskatchewan, en Alberta

Les provinces doivent absolument miser sur le recyclage des revenus du marché du carbone pour favoriser la transition vers une économie plus verte, estime la Commission de l’écofiscalité du Canada, selon laquelle un prix de 30 $ la tonne entraînerait pour la majorité des ménages un coût « très faible » de moins de 1 %.

Dans un rapport qui sera publié aujourd’hui, mercredi, un mois après des discussions entre Ottawa et les provinces sur la question de la tarification, les membres du groupe de recherche recommandent aux provinces de définir « clairement » leurs objectifs de recyclage et de réévaluer leurs priorités sur une base régulière.

Le Québec et la Colombie-Britannique, par exemple, font figure de chefs de file avec leurs pratiques de tarification. Le Québec a opté pour un système de plafonnement et d’échange de droits d’émissions — dont les enchères alimentent le Fonds vert —, alors que la Colombie-Britannique a choisi d’instaurer une taxe carbone (à coût nul, car d’autres taxes ont été réduites).

Après avoir publié un premier rapport l’an dernier sur la tarification, qu’elle décrivait comme la façon la plus efficace de combattre les changements climatiques, la Commission se penche cette fois sur les usages que les gouvernements peuvent choisir pour utiliser les revenus provenant de cette tarification. Pour le Québec, le marché du carbone doit rapporter 3,3 milliards pour la période de 2013 à 2020.

« Les revenus peuvent être assez importants. La façon dont les gouvernements les utilisent peut servir à diminuer ou à effacer certains effets néfastes de la tarification, et poursuivre des objectifs économiques et environnementaux », a dit au Devoir France St-Hilaire, vice-présidente à la recherche à l’Institut de recherche en politiques publiques et membre de la Commission.

Le gouvernement Couillard a promis de revoir la gestion du Fonds vert après des informations du Journal de Québec concernant l’attribution de certaines sommes. À la base, la loi indique que les deux tiers du Fonds doivent être consacrés à des projets de transport.

D’autres provinces doivent emboîter le pas, dont l’Ontario. Pour certains ménages, l’effet financier sera au maximum de 2,1 %, ont calculé les auteurs du rapport. Selon eux, l’usage de 5 % des recettes totales de la tarification permettrait de « compenser les coûts carbone de tous les ménages du premier quintile [celui du revenu le plus bas] ».

Au mois de janvier, des chercheurs de l’Université McGill avaient estimé que l’impact d’une tarification à 48 $ la tonne serait d’environ 2,3 % sur le revenu des ménages.

Technologies propres

 

La Commission estime, après modélisation, que l’usage des revenus pour investir dans des technologies propres contribuera davantage à la réduction des émissions que pourraient le faire, par exemple, des baisses d’impôt ou l’allocation gratuite de droits d’émissions aux entreprises. Le Conseil patronal de l’environnement du Québec, qui réclame une partie des revenus du Fonds vert pour aider le secteur industriel à investir dans des technologies propres, s’est réjoui du rapport.

La Commission a aussi commandé un sondage auprès de la firme Abacus, selon laquelle les répondants préfèrent des investissements en technologies propres, suivi d’investissements en infrastructures et de baisses d’impôts.

« Quelle serait la meilleure façon pour les provinces de recycler leurs recettes ? Il n’y a pas de réponse unique à cette question », a écrit la Commission, composée principalement de gens du milieu universitaire. « Les points de vue varient selon les intéressés. Tout comme le contexte et la situation de chaque province. C’est ainsi que la tarification du carbone offre à chacune la possibilité d’adapter ses politiques à ses propres priorités, tout en mobilisant un vaste soutien à une judicieuse approche de réduction des émissions de GES. »

Le gouvernement québécois a une cible de réduction qualifiée d’ambitieuse : diminuer les émissions de 37,5 % d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990.

La tarification n’est pas sans risque, écrit le groupe dirigé par Christopher Ragan, professeur d’économie à l’Université McGill. Elle peut avoir un effet sur le prix des produits dans certaines circonstances, et donc sur la santé financière des ménages. Mais aussi sur la compétitivité de sociétés qui produisent beaucoup d’émissions ou se battent contre des entreprises qui, dans leur pays ou province, sont soumises à une tarification plus faible.

« En élaborant ses politiques, chaque province doit donc prêter grande attention à celles des autres territoires. Tout comme elle doit envisager l’éventuel alignement des politiques provinciales sur un même prix carbone pancanadien », a écrit la Commission.

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